Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/38

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Marphise alors commença d’une voix douce : « Illustre, invincible et glorieux empereur, qui de la mer des Indes au détroit de Gibraltar, de la blanche Scythie à l’Ethiopie aride, fais révérer ta croix sans tache, toi dont le règne est le plus sage et le plus juste, ta renommée, qui n’a point de limites, m’a attirée ici du fin fond des contrées les plus éloignées.

« Et, pour te dire vrai, c’est la haine seule qui m’avait tout d’abord poussée, et j’étais venue pour te faire la guerre. Je ne voulais pas qu’un roi qui n’avait pas la même croyance que moi devînt si puissant. C’est pour cela que j’ai rougi les champs du sang chrétien. Je t’aurais encore donné d’autres preuves sanglantes de mon inimitié, s’il ne m’était pas arrivé une aventure qui m’a faite ton amie.

« Alors que je songeais à nuire le plus possible à tes armées, j’ai appris — je te dirai plus à loisir comment — que mon père était le brave Roger de Risa, si odieusement trahi par son frère. Ma mère infortunée me portait dans son sein quand elle traversa la mer, et elle me mit au monde au milieu des plus cruels événements. Un magicien m’éleva jusqu’à i’âge de sept ans, où je lui fus enlevée par les Arabes.

« Ils me vendirent en Perse, comme esclave, à un roi auquel, devenue grande, j’ai par la suite donné la mort, pour défendre ma virginité qu’il voulait me ravir. Je le tuai ainsi que tous ses courtisans. Je chassai sa race dépravée, et je m’emparai du trône. La fortune me favorisa au point qu’à