Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/39

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dix-huit ans, moins un ou deux mois, j’avais conquis sept royaumes.

« Jalouse de ta renommée, j’avais, comme je te l’ai déjà dit, formé le projet d’abaisser la gloire de ton grand nom. Peut-être l’aurais-je fait, peut-être me serais-je vue trompée dans mon espoir. Mais aujourd’hui cette pensée est domptée, et ma fureur est tombée en apprenant que je te suis alliée par le sang. C’est pourquoi je suis venue ici.

« Et de même que mon père fut ton parent et ton serviteur, je suis, moi aussi, ta parente et ta servante dévouée. J’oublie à tout jamais la haine altière que je t’ai un temps portée. Je la réserve désormais à Agramant et à tous ceux qui appartiennent à la famille de son père et de son oncle, auteurs de la mort de mes parents. »

Elle poursuivit en disant qu’elle voulait se faire chrétienne, et qu’après avoir donné la mort à Agramant, elle retournerait en Orient si cela plaisait à Charles, pour faire baptiser ses sujets, et prendre les armes contre les peuples qui adorent Macon et Trivigant, promettant de faire hommage de toutes ses conquêtes à l’empire chrétien et à la religion du Christ.

L’empereur, qui n’était pas moins éloquent que valeureux et sage, répondit en louant vivement la vaillante dame, ainsi que son père et sa famille. Il ne laissa sans réponse aucune partie du discours de Marphise, et levant un front où se lisaient le courage et la franchise, il conclut en l’acceptant comme sa parente et comme sa fille.