Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est pas qu’elle se soit immortalisée elle-même par son doux style, le meilleur que j’aie jamais goûté ; mais elle peut tirer du tombeau et faire éternellement revivre tous ceux dont elle parle ou sur lesquels elle écrit.

De même que Phébus darde de préférence ses rayons sur sa blanche sœur, et la fait resplendir d’une lumière plus éclatante que celle de Vénus, de Mars, ou de toute autre étoile qui gravite au ciel, ainsi celle dont je vous parle possède plus que toutes les autres l’éloquence et la douceur. Ses paroles sublimes ont une telle force, que de nos jours elle brille au ciel comme un autre soleil.

Victoire est son nom ; il convenait bien à celle qui, née au sein des victoires, est toujours, qu’elle aille ou qu’elle s’arrête, précédée ou suivie de la Victoire, et dont le front est chargé de trophées toujours nouveaux. Elle est pareille à cette Artémise, si célèbre pour sa piété envers son époux Mausole. Elle la surpasse cependant de toute la distance qu’il y a entre ensevelir un homme, et tirer sa mémoire du tombeau.

Si Laodamîe, si la femme de Brutus, si Arrie, Argie, Evadné, et beaucoup d’autres, ont mérité des éloges pour avoir voulu, leur mari mort, être ensevelies avec lui, combien davantage ne doit-on pas honorer Victoire, qui a sauvé son époux des eaux du Léthé et du fleuve qui entoure neuf fois le royaume des Ombres, et cela, malgré les Parques et malgré la mort !