Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/80

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comme on dit, porter des vases à Samos, des chouettes à Athènes et des crocodiles en Égypte. Alors que je ne puis vous en parler que d’après ouï-dire, vous, seigneur, vous en voyez et vous en faites voir aux autres d’admirables.

Vous donnâtes, comme sur un théâtre, un grand spectacle à votre peuple fidèle, la nuit et le jour où vous lui montrâtes la flotte ennemie écrasée, à l’embouchure du Pô, entre le fer et le feu. Vos sujets purent entendre les cris et les plaintes, et contempler les ondes teintes de sang humain. Vous vîtes, et vous fîtes voir de combien de manières on peut trouver la mort dans ce genre de combat.

Quant à moi, je ne pus le voir, car depuis six jours j’étais parti, et j’allais, changeant de voiture, d’heure en heure, me jeter en toute hâte aux pieds sacrés du grand Pasteur, pour lui demander secours. Vous n’eûtes besoin, il est vrai, ni de cavaliers ni de fantassins, car pendant ce temps vous brisâtes si bien les griffes et les dents du Lion d’or, que depuis ce jour je ne l’ai plus entendu rugir.

Mais Alphonse Trotto qui assistait à la bataille, ainsi qu’Annibal et Pierre Moro, Affranio, Albert, les trois Ariostes, le Bagno, et le Zerbinetto, me la racontèrent avec de si grands détails, que j’en eus une parfaite connaissance. Le grand nombre de drapeaux que je vis plus tard suspendus aux voûtes du temple, et les milliers de galères et de vaisseaux captifs sur ces rives, me confirmèrent leur récit.