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semer, le long de ses rives, des établissements civilisés, de conquérir pacifiquement le pays, de le jeter dans un moule nouveau pour le mettre en harmonie avec les idées modernes, et d’y constituer des États, au sein desquels le commerçant européen fraterniserait avec le noir commerçant d’Afrique ; où régneraient la justice, la loi et l’ordre ; d’où seraient bannis à jamais le meurtre, l’anarchie et le cruel trafic des esclaves[1]. »

Il ressort de ce fragment que le plan de campagne de l’Association tendait à un double résultat : conquérir le pays et y fonder des États modèles.


Conquête pacifique. — C’est donc par droit de conquête qu’elle prétendait établir son pouvoir dans les contrées lointaines qu’elle aspirait à métamorphoser, et c’est bien ainsi que les choses se sont passées. Remarquons seulement qu’il y a conquêtes et conquêtes. S’il en est d’injustes et de violentes, que stigmatise à juste titre la conscience des hommes de notre époque, on en peut concevoir d’autres, qui ne s’imposent que par la persuasion, qui découlent naturellement de la supériorité morale et intellectuelle de l’envahisseur, qui ont pour cause déterminante les élans avouables d’une ardente philanthropie, et qui, par suite, ne soulèvent pas de réprobation. La domination du vainqueur, dans ce dernier cas, — malheureusement trop rare autrefois, mais qui tend à se généraliser, — ne se trouve point entachée d’un vice originel. Or c’est précisément ce qui a eu lieu au Congo. L’occupation du sol par l’Association s’y est opérée de la façon la plus correcte[2] et n’a pas suscité la moindre objection, même de la part des chefs dépossédés, qui ont abdiqué volontairement leurs droits souverains, dans des traités dont on s’est efforcé de leur bien

  1. Stanley, p. 28.
  2. Le droit des gens dans l’Afrique équatoriale, par Deloume, p. 58.