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Page:La fondation de l'Etat indépendant du Congo au point de vue juridique, par Gustave Moynier.djvu/13

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faire comprendre la signification, afin de ne pas surprendre leur bonne foi. Le Sénat de Washington appelé, en 1884, à se former une opinion sur la légitimité des droits de l’Association et sur la façon dont elle les avait acquis, en fit l’objet d’une enquête attentive et admit la valeur juridique des titres qui lui étaient présentés[1]. L’Europe entière se prononça ensuite dans le même sens.

Mais il n’est pas toujours aisé, même avec les meilleures intentions du monde, d’éviter des malentendus, entre contractants qui personnifient deux degrés extrêmes du développement de l’esprit humain. Il est permis de douter, par exemple, que des nègres incultes aient bien saisi la portée de phrases qui semblent avoir été écrites moins pour eux que pour d’autres, comme celle par laquelle on leur fait déclarer « qu’il importe hautement, dans l’intérêt du progrès et de la civilisation », — on ajoute, il est vrai, « et du commerce », — « que l’Association internationale s’établisse solidement dans leur pays[2]. »

Cette supposition de ma part n’est pas tout à fait gratuite, car, dans un cas particulier, il semble que les parties ne se soient pas comprises. Je veux parler de la convention conclue, le 8 janvier 1883, entre l’Association et les chefs du district de Palaballa[3], convention qui nécessita, l’année suivante, un acte complémentaire, « pour déterminer le sens et l’esprit des mots cession de territoire ». On spécifia « qu’ils ne signifiaient pas acquisition du sol par l’Association, mais bien acquisition de la suzeraineté par l’Association, et reconnaissance de cette suzeraineté par les chefs indigènes[4] ». Le quiproquo était, comme on le voit, gros de dangers pour l’avenir.

  1. Rapport (no 393) du sénateur Morgan, au nom du Comité des affaires étrangères, 26 mars 1884.
  2. Stanley, p. 623.
  3. Magalhaes, p. 18 et 26.
  4. Stanley, p. 625, et Magalhaes, p. 28.