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Page:La fondation de l'Etat indépendant du Congo au point de vue juridique, par Gustave Moynier.djvu/16

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ritoire, jusqu’aux limites qu’il lui a assignées a priori.

Il n’y a pas d’ailleurs d’illusions à se faire sur la fidélité des noirs à tenir les engagements qu’on leur a fait souscrire. Il est notoire que, si ces pauvres gens ne sont pas sous l’empire de la contrainte, ils obéissent rarement à d’autres mobiles qu’à leurs penchants grossiers, et sont éminemment rusés et fraudeurs. Si l’intérêt les y pousse, ils font bon marché même des devoirs que, selon leurs propres coutumes, leur impose la cérémonie de l’échange du sang. Aussi n’est-il pas déraisonnable de penser qu’à leurs yeux un simple écrit, qu’ils ne savent pas lire, ne les lie que très imparfaitement. Il est sage, assurément, de les habituer au respect des traités, mais il faut s’attendre à ce qu’ils ne s’y conforment qu’autant qu’ils y trouveront leur compte ou qu’ils n’auront pas assez de confiance dans leur force pour s’en affranchir. Peut-être dira-t-on que cela se voit parfois ailleurs que chez les Africains ; je n’en disconviens pas, mais la probabilité des infractions est infiniment plus grande de la part de sauvages ne consultant guère que leurs instincts, que lorsqu’il s’agit de peuples policés, dont la conscience plus développée sert de contrepoids à l’égoïsme naturel.


Formation d’États. — Si la conquête pacifique devait permettre à l’Association d’arriver à ses fins, son but était primitivement, nous l’avons vu, de substituer de véritables États civilisés à l’organisation sociale rudimentaire des tribus africaines. Comment se fait-il que cette conception ait été abandonnée, et qu’au lieu de présenter l’aspect d’une agglomération d’États, l’ensemble du territoire visé par l’Association soit aujourd’hui placé sous un sceptre unique ?

Le texte des traités conclus par l’Association avec diverses puissances, en 1884 et 1885, semble prouver que, lors de leur rédaction, elle avait déjà réalisé partiellement son premier dessein. Elle y déclare, en effet, « qu’il lui a été cédé