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QUAND CHANTAIT LA CIGALE

La procession entrait alors dans la petite nef toute tendue de noir, sombre comme un cachot, à la suite du cercueil que l’on installait sur le catafalque où les cierges formaient comme une forêt de feu. Revêtu des ornements de deuil de l’église, le prêtre montait à l’autel et célébrait l’office des morts. Il implorait la clémence divine pour la trépassée. Il exhortait le Seigneur à ne pas entrer en jugement avec la pauvre âme, à ne pas la condamner pour ses péchés et à ne pas l’accabler du poids de sa colère et de sa vengeance.

Il criait les invocations. Il pleurait le Libéra.

Ses supplications s’élevaient avec l’encens.

Et devant le tabernacle, le croyant exalté rompait le pain, versait le vin, accomplissait les rites du sacrifice avec la foi ardente qui l’animait. De toute son âme, il priait le Père de recevoir l’ensevelie au port du salut, de l’admettre dans sa gloire avec les Martyrs, les Vierges et les Confesseurs.

À de certains moments, son oraison n’était qu’un murmure qui s’égrenait dans le grand silence.

Le prêtre tournait vers le peuple sa figure maigre et émaciée d’ascète et, les yeux fixés sur le catafalque, il psalmodiait les invocations liturgiques que depuis vingt siècles l’église prononce sur les corps des défunts.

La prière montait de son cœur, s’élançait vers la voûte du temple pendant que la foule ruminait des pensées quelconques.

Exalté, le franciscain réclamait la miséricorde divine ; il récitait de ferventes oraisons, suppliait le Très Haut de préserver cette chair mortelle des portes de l’enfer, de l’accueillir dans la céleste patrie avec les Anges et les Saints.

Puis, dans un cantique ardent, il lançait les paroles de résurrection et de vie pour ceux qui ont cru. De ses lèvres jaillissait la promesse faite autrefois : Quiconque croit en moi ne mourra pas pour toujours.

Maintenant, la cérémonie était finie et l’officiant aspergeait d’eau bénite le cercueil que les porteurs enlevaient du catafalque. Précédé de l’enfant de chœur portant gauchement la croix dont les bras s’accrochaient dans les bancs, au passage, le franciscain enveloppé dans sa robe de bure dont les pans flottaient de chaque côté de lui et les pieds nus dans ses sandales, descendait l’allée centrale et