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qu’elle ne soit considérée comme inconvenante, s’il y a du moins à en juger par l’effet qu’elle produit et que, pour ma part, je n’ai encore pu m’expliquer suffisamment.

Il m’est arrivé plus d’une fois, impatienté d’entendre de derrière une cloison raconter une histoire dont je ne pouvais saisir que des lambeaux, de passer au milieu de l’auditoire. Immédiatement le narrateur se taisait, et quand on lui demandait s’il connaissait des contes, il était le premier à protester de son ignorance. Enfin, par promesses et adjurations obtenait-on qu’il continuât ; il aurait fallu, outre une connaissance absolue de la langue, une mémoire prodigieuse ou le secours d’un phonographe dont l’emploi apporterait probablement la meilleure solution du problème. Si, en effet, pendant le cours du récit vous interrompez un narrateur pour demander un éclaircissement, il s’arrête net et ne dit plus rien, ou, dans le cas le plus favorable, recommence son histoire par le commencement sans vous donner l’explication désirée. Quant à prendre des notes sur le moment, il n’y faut pas songer tant que le conteur n’est pas apprivoisé, et je n’ai jamais pu le faire qu’avec des narrateurs de seconde main.

Ces difficultés se retrouvent plus ou moins partout, mais ici elles sont véritablement très grandes. Si j’y ai insisté, c’est que je tenais à expliquer comment j’ai dû procéder pour recueillir ce que j’ai publié. J’ai trouvé quelques intermédiaires de bonne volonté qui ont d’abord écrit ce qu’ils connaissaient eux-mêmes, et c’était peu de chose ; ensuite ils ont rédigé ce qu’ils avaient pu se faire conter par d’autres ; naturellement toute cette partie a été écourtée par le fait même de la rédaction, aussi ne peut-on pas dire que les récits, tels que je les ai traduits, reproduisent la physionomie générale d’une narration faite par un Annamite. Les répétitions y sont sans nombre ; le conteur a toujours peur que son auditoire ne le suive pas, et introduit de temps en temps des explications, fort inutiles en général, tandis qu’il n’y a pas