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Une autre fois il fut pris aussi dans un champ de patates. Celui qui le tenait le rapporta chez lui et l’enferma sous un panier[1] à prendre le poisson. Le lendemain était jour de fête[2], et il se promettait de tuer son lièvre et d’en régaler ses parents. À côté du panier se trouvait une jarre dans laquelle était un gros poisson[3]. Le lièvre lui dit : « Si tu restes dans cette jarre, demain tu seras mort, car on va te taire cuire. Casse donc la jarre d’un coup de queue et va-t-en. » Le poisson l’écouta, il cassa la jarre et bondit au dehors ; le lièvre se mit à crier au maître que son poisson se sauvait. Celui-ci, pour attraper le poisson, prit le panier sous lequel était le lièvre et le lièvre s’enfuit.

Le lièvre était sur le bord du fleuve et ne savait comment faire pour le passer. Il appela le crocodile et lui dit : « Si tu me passes de l’autre côté, je te donnerai ma sœur en mariage. » Le crocodile le crut et le transporta sur l’autre rive ; le lièvre sauta lestement à terre et lui dit : « Quelle sœur te donnerai-je, bête vorace ? » Mais un autre jour le lièvre vint au bord du fleuve pour brouter. Le crocodile flottait avec un monceau d’herbes sur le dos. Le lièvre sauta au milieu de cette herbe et se trouva pris par le crocodile. Celui-ci irrité le menaçait en faisant hù ! hù[4]. « Je ne crains pas ton hù ! hù !, lui dit le lièvre. Si tu faisais hà ! hà ! ce serait une autre affaire. » Le crocodile voulut dire hà ! hà ! il ouvrit la gueule et le lièvre disparut.

C’est ainsi que le lièvre se moquait de tous les animaux et échappait constamment à la mort.

  1. Nôm. Espèce d’engin de bambou à fond étroit et à bords évasés que l’on tient d’une main et dont on couvre par un mouvement rapide le poisson aperçu sur la vase ou dans une eau très peu profonde.
  2. Ki com. Sacrifice, anniversaire de la mort de parents.
  3. Con câ lôt (ophiocephalus striatus).
  4. Grognement qui se prononce les dents serrées, tandis que pour dire hà ! hà ! le crocodile doit ouvrir la gueule.