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LXXVII

MORT DE CINQ BONZES[1].



Il y avait autrefois un homme qui vivait du métier de chercheur de cire[2]. Il découvrit un jour dans une futaie un canton où les nids d’abeilles étaient nombreux, et alla bien vite avec sa hotte cueillir les rayons, mais il se trouva tellement chargé qu’il n’osait plus descendre de l’arbre ; il lui fallut attendre qu’un passant vint à son aide.

  1. * M. P. Truong vînh ky a publié dans ses Chuyén dôi xica (n° 32 de la troisième édition) une version de ce conte qui a pris sous sa main une forme plus simple et plus littéraire. Le cornac, voulant cueillir des cocos, reste suspendu au cocotier, il est secouru par les quatre bonzes et les fait enterrer par des fossoyeurs en usant du stratagème qui, dans notre rédaction, est attribué à la vieille aubergiste. — Une autre version présente quelques variantes sans grande importance. Cinq bonzes revenant d’une fête, où ils ont fait la petite bouche pour ne pas scandaliser les fidèles, se sentent pressés de la faim. Avisant un cocotier, le chef de ces bonzes y grimpe et se met en devoir de jeter des cocos à ses acolytes. Mais, pour éviter d’être trahis par le bruit que feraient les cocos en tombant, il ordonne aux autres de les recevoir dans un de leurs manteaux tendus. Il leur jette tout un lourd régime de cocos et les quatre bonzes ont la tête cassée. Leur supérieur traîne les cadavres à la pagode, et les fait enterrer successivement par un voleur qu’il prend sur le fait, et à qui il promet de ne pas le dénoncer, et de lui payer cent ligatures, chiffre assez invraisemblable. Il a bien soin de le prévenir qu’il faut faire un trou profond de peur de voir revenir le mort. Le voleur, las d’enterrer, va jeter le quatrième cadavre à l’eau, mais il le jette justement dans un endroit où se baignait un lépreux. Celui-ci, effrayé, se montre ; le voleur, voyant sa tête pelée, croit que le bonze mort veut encore revenir et assomme le lépreux.
  2. La cueillette de la cire et du miel se fait dans les forêts. M. Aymonier a décrit la manière dont elle a lieu au Laos, au cinquième paragraphe de ses Notes sur le Laos (Excursions et reconnaissances, tome VIII, p. 333). Dans nos provinces on grimpe aussi sur les arbres à l’aide de fiches plantées dans le tronc. Le chercheur s’attache dans le dos deux torches qui brûlent au-dessus de sa tête et le garantissent ainsi des piqûres. Le miel des forêts de l’est est excellent, celui de Rach gia, recueilli dans les forêts de tràm, a un goût particulier qu’il doit à la fleur de cet arbre.