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cinq ligatures qu’on lui avait données, mais il les avait soigneusement empaquetées, s’en servait la nuit comme d’oreiller et ne faisait nullement mine d’y toucher.

Après le premier enfant on en mit en gage un second et, quand l’argent fut encore épuisé, le mari dit à la femme : « Reste à la maison pour soigner notre père, moi, je vais me mettre en gage à mon tour. » On annonça cette nouvelle an vieillard qui ne fit aucune observation.

Le vieillard habitait ainsi chez ces pauvres gens depuis plus de deux ans et ils avaient entièrement épuisé toutes leurs ressources. Il dit alors à sa bru[1] de le conduire à la maison où son mari était en gage. Arrivé là il demanda au maître de permettre à son fils de revenir chez lui quelques jours pour une affaire. Celui-ci le permit. Le vieillard dit aux deux époux : « Demain matin préparez un repas, ensuite prenez vos enfants et suivez-moi. » Le lendemain ils se mirent donc tous en marche, le vieillard portant ses cinq ligatures. Il les mena sans leur rien dire jusqu’à sa maison. Arrivés là, il appela sa femme et lui dit : « Sors et viens recevoir le fils et la bru que j’ai été chercher et que je ramène » ; là dessus il prit ses cinq ligatures et les remit entre les mains de sa femme. La femme ne comprenait pas bien tout d’abord ce qui se passait, mais, quand le vieillard se fut reposé, il lui raconta toute son aventure. La vieille alors accueillit avec joie les deux époux et leur remit le gouvernement de la maison. On racheta le mari et les enfants et les deux pauvres époux reconnurent les deux vieillards comme leurs parents et les servirent le reste de leur vie.



  1. C’est-à-dire à la femme de la maison, sa bru adoptive.