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XIII

HISTOIRE DE CAO BIÉN.



Cao bién[1] était un habile devin chinois (thây dia ly)[2]. Il fut employé par l’Empereur qui voulait le récompenser, mais Cao bién refusa or et argent, demandant que, les yeux fermés on le laissât désigner au hasard un des magasins impériaux dont on lui donnerait le contenu. L’Empereur accepta, et Cao bién désigna le magasin des pinceaux. Il prit alors une pierre, la plaça devant la porte du magasin et se fit porter les pinceaux amassés dans l’intérieur. À mesure qu’on les lui portait, il en frappait la pierre, et continua ainsi pendant plusieurs jours, les détériorant tous. Comme la provision était presque épuisée, l’un de ces pinceaux pénétra au travers de la pierre. Cao bién le prit, rentra chez lui, fit un cerf-volant en forme d’aigle (con dêu), se servit de ce pinceau pour dessiner les yeux à l’aigle, l’aigle alors put voler. Cao bién lui monta sur le dos et se rendit dans le royaume d’Annam, où se trouvaient beaucoup de cavernes impériales[3].

  1. Cao bién était un général qui vint à la tête d’une armée chinoise délivrer l’Annam tombé au pouvoir des Nam chièn. Après la pacification il se proclama roi, sans doute sous la suzeraineté de la Chine. Le Khâm dinh Viet Suc cang mue contient, à la cinquième année Hàm thông (860-874 A. D.) des Duong (de Chine), un récit assez étendu des exploits de ce personnage. Sous la septième année, il est raconté que Cao bién fit détruire des roches qui formaient obstacle à la navigation. Quatre d’entre elles surtout, qui défiaient les moyens ordinaires, furent pulvérisées par cent traits de foudre. C’est là sans doute ce qui a donné naissance à l’opinion qu’il avait voulu stériliser dans l’Annam les veines du dragon, et assurer ainsi à jamais la dépendance de ce pays. (Cf. Truong vïnh Ky. Histoire annamite, I, pages 39-41.)
  2. Thay dia ly. Géomancien ; devin qui étudie la configuration des lieux à l’effet de reconnaître les emplacements favorables à l’érection des maisons et des tombeaux.
  3. Huyêt de vwong. Tombeaux impériaux et royaux, c’est-à-dire ici emplacements dont la possession assure l’empire à la postérité des occupants.