Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/105

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qui n’estime à plus de 10 francs l’utilité de l’article ; en d’autres termes, il n’en est pas un peut-être qui n’estime l’article en question plus que le moins utile des articles qu’il peut avoir pour 10 francs, et qu’il achète effectivement. Celui des demandeurs exclus qui était disposé à donner le plus eût donné 10 francs - ε ; il n’a pas effectué un achat qui lui était désavantageux ; le moins favorisé des acheteurs n’a conclu cet achat que parce qu’il lui était avantageux : et ainsi tous les acheteurs effectifs auront bénéficié d’une rente. Veut-on admettre maintenant l’hypothèse d’acheteurs effectifs pour qui l’achat à faire s’est présenté comme indifférent[1] ? il reste toujours que la plupart des acheteurs ont ce qu’ils achètent pour une somme inférieure à celle qu’il consentirait à payer. On peut dire, d’une certaine manière, qu’ils ne paient pas toute l’utilité qu’ils perçoivent : une partie de cette utilité leur est versée gratis, et ce n’est pas sans raison que l’on parle ici d’une rente.

Si importante que soit pour l’économique la considération de la rente subjective[2], celle des rentes objectives, c’est-à-dire de ces rentes que l’on perçoit sous forme d’argent, l’est à coup sûr bien plus encore. Les rentes subjectives pourraient varier beaucoup sans que rien fût changé dans l’organisation économique, sans que rien variât, que la somme du bien-être dont chaque individu jouit. Je paie 10 francs un objet dont l’utilité pour moi représente une somme double ; que de 20 francs l’utilité de cet objet vienne à tomber à 12 francs, je n’en continuerai pas moins à l’acheter,

  1. L’hypothèse correspondante est aussi admissible, de demandeurs qui, estimant 10 francs l’article en vente, et n’ayant plus que 10 francs à dépenser, se décident à prendre à la place de cet article tel autre article offrant pour eux exactement la même utilité.
  2. Sur cette rente, voir Hobson, The economics of distribution, New-York, 1900, chap. 1 et 2.