Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/129

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raître, et retirer de l’emploi de leurs capitaux un gain qui n’ira qu’à eux.

Ici, Böhm-Bawerk a partiellement raison. Imaginons, non pas que les talents nécessaires aux entrepreneurs soient universellement répandus — cette proposition prise à la lettre ne constitue pas une hypothèse irréelle : tout le monde peut faire un entrepreneur bon ou mauvais —, mais que tous les membres de la société soient également habiles, également propres à devenir des entrepreneurs. Imaginons encore que les capitaux employés dans la production ne puissent pas servir à faire naître des rentes, qu’il n’y ait ni rentes foncières, ni rentes d’idées générales ou particulières. Dès lors sans doute on verra les capitaux donner tous le même rendement ; mais l’emploi des capitaux donnera un rendement, la production capitalistique sera plus lucrative que la production non capitalistique[1].

Quelque chose demeure toutefois, qui est très important, et que la théorie de Philippovich aide à comprendre : c’est que sans l’inégale habileté des entrepreneurs, jamais — dans l’hypothèse que je viens de faire — aucun capital ne serait prêté pour la production, jamais il ne serait payé d’intérêt au sens propre du mot. Notre hypothèse de tantôt laisse sans doute subsister l’inégale facilité que les individus ont à économiser, et ainsi on pourrait croire que l’intérêt subsistera, payé par ceux qui ont de la peine à économiser à ceux à qui il en coûte moins ou à qui il n’en coûte pas de retrancher pour un temps sur leur con

  1. En réalité on prête aux autres, dussent-ils ne pas tirer plus : des capitaux qu’on leur avance, parce qu’on ne fait pas valoir un capital sans dépenser du travail, et que ce travail, certains ne se soucient pas ou n’ont pas la possibilité de le fournir. De même un propriétaire foncier loue sa terre à un fermier qui ne la cultivera pas mieux que lui parce qu’il ne veut pas ou qu’il ne peut pas se charger lui-même de la cultiver.