Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/185

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Le reproche essentiel que Böhm-Bawerk adresse à la théorie de l’abstinence, c’est d’établir d’une manière incorrecte le coût des produits obtenus avec l’emploi du capital. Un capitaliste a dépensé 100 journées de travail dans une entreprise qui ne donnera ses produits qu’au bout d’un certain temps. Pour Senior, le coût de ces produits sera égal non pas à 100 journées de travail, mais à 100 journées de travail + le sacrifice que le capitaliste s’est imposé en consentant à retarder le moment de sa consommation. Böhm-Bawerk n’admet pas que l’on compte ainsi[1]. Un produit, pour lui, coûte soit le travail qu’il a fallu dépenser pour l’avoir, entendons la peine que ce travail représente, soit les jouissances qu’avec ce travail, ou plutôt avec une même somme de travail, on eût pu se procurer : son coût se mesure par le travail que ce bien a demandé, si avec cette même somme de travail on n’eût pas pu créer un autre bien rémunérant le travail en question ; il se mesurera par la quantité la plus grande de jouissances qu’avec la même somme de travail on eût pu se procurer, dans le cas contraire[2] ; mais il faut se garder d’additionner les deux choses. Or c’est précisément là, au dire de Böhm-Bawerk, ce que Senior aurait fait : ajouter au travail dépensé, dans l’estimation du coût du produit capitalistique, le sacrifice que le capitaliste s’est imposé par son abstinence, c’est ajouter à la considération de la peine incluse dans ce travail celle des jouissances que le capitaliste eût pu se donner grâce à ce même travail.

Telle est l’objection de Böhm-Bawerk. Elle me semble reposer sur une interprétation inexacte de la

  1. I, pp. 336-339, et pp. suiv.
  2. I, p. 343. Ce deuxième cas, note Böhm-Bawerk, est de beaucoup le plus fréquent aujourd’hui.