Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

théorie qu’il discute. Senior, lorsqu’il veut qu’on tienne compte de l’abstinence du capitaliste, ajoute-t-il vraiment au travail dépensé — en tant que ce travail représente une peine — les jouissances que ce travail eût pu donner ? La somme

travail + abstinence

doit-elle être entendue comme signifiant

peine dépensée + jouissances perdues ?

Non pas. Et la meilleure preuve qu’on en puisse donner, c’est que, si Senior eut voulu dire ce que lui fait dire Böhm-Bawerk, l’intérêt, rémunération de l’abstinence, eût dû être à peu de chose près égal au capital dépensé, pour n’importe quelle durée d’attente, et même pour une attente très courte.

Ce que Senior veut indiquer par ce travail dont il parle, c’est soit la peine représentée par ce travail, soit les biens qu’on eût pu avoir avec le même travail — il ne spécifie pas — ; et l’abstinence, qu’il ajoute au travail, c’est l’ennui qui résulte pour le capitaliste du retard apporté à sa consommation. Voilà ce que Senior a voulu dire ; et il faut reconnaître que sa conception a un fondement réel, puisque enfin le capitaliste qui ne percevra le produit de ses avances qu’après un temps exige souvent un produit supérieur à celui dont il se contenterait si ses dépenses devaient donner immédiatement leur rapport.

86. Il ne convient pas non plus d’attacher d’importance à certaine autre remarque de Böhm-Bawerk, relative aux conséquences absurdes qui, d’après Böhm-Bawerk, découleraient du principe de la théorie de l’abstinence. Supposons, fait Böhm-Bawerk, que j’aie travaillé un jour durant à planter des arbres fruitiers qui doivent me donner du fruit au bout de dix ans. Que dans la nuit une tempête survienne et