Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/191

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théorie de Böhm-Bawerk et celle de Senior, c’est que la théorie de Böhm-Bawerk embrasse dans une explication commune et le fait du capitaliste qui avance des capitaux, et le fait de l’emprunteur, au lieu que la théorie de Senior s’attache au capitaliste, et s’applique uniquement à montrer qu’il faut à : celui-ci un intérêt. Pour le reste, les deux théories me paraissent se ressembler quelque peu. Il faut un intérêt au capitaliste, dit Senior, parce qu’il lui en coûte de se priver pendant un temps de biens qu’il eût pu se procurer ; il lui faut un intérêt, dit Böhm-Bawerk, parce qu’un bien présent, à valeur égale, est préféré à un bien futur. Je ne parviens pas, pour ma part, à apercevoir d’opposition radicale entre ces deux conceptions. Quand il s’agit de comparer un bien présent et un bien futur, et que l’on songe à renoncer à celui-là pour acquérir celui-ci, il revient à peu près au même que l’on ajoute au bien présent un surplus que l’on appellera le sacrifice de l’attente, ou que l’on fasse subir au deuxième une diminution.

89. J’ai dit que ces deux conceptions reviennent à peu près au même. J’ajoute — et c’est ici la critique, très grave à la vérité, que la théorie de l’abstinence appelle véritablement — : ces deux conceptions, pour autant qu’on s’en tient à elles, n’ont qu’une valeur scientifique très faible. Pourquoi le capitaliste exige-t-il un intérêt ? demande Böhm-Bawerk ; et il répond : c’est parce qu’il préfère les biens présents aux biens futurs. Cette réponse ne fait guère avancer la question, elle n’est point par elle-même satisfaisante. Après l’avoir fournie, il faudra rechercher pourquoi le capitaliste préfère les biens présents aux futurs[1].

  1. Cette recherche d’ailleurs, Böhm-Bawerk l’a entreprise ; et c’est