Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/249

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supplément entre un grand nombre d’années. Si donc il s’agit pour moi de donner à ces 100.000 francs un emploi tel qu’ils me reviennent par fractions — mettons qu’il doive me revenir 5.000 francs par an pendant 20 ans —, il ne m’en coûtera rien de le faire, pour autant du moins que la dépréciation du futur n’interviendra pas[1].

Ainsi la plupart des capitaux rapportent à leurs propriétaires des intérêts qui pourraient tomber à peu à rien sans que ces capitaux fussent détournés de leur emploi actuel. Si le taux de l’intérêt tombait presque à zéro, la capitalisation serait enrayée sans doute ; on ne créerait plus de capitaux, ou du moins l’on n’en créerait pas plus de nouveaux qu’on ne consommerait de primes d’amortissement des anciens capitaux ; mais on en créerait néanmoins, et ces capitaux vraiment nouveaux, joints à ceux qu’on constituerait avec les primes d’amortissement des anciens capitaux, maintiendraient à peu près la production au degré capitalistique qu’elle aurait atteint[2], On dira donc si l’on veut, devant l’énorme prélèvement qu’opèrent les capitalistes sur la production et qui ne

  1. Quand j’avance que d’une manière générale les capitalistes n’ont pas besoin d’intérêts, je suis d’accord avec Böhm-Bawerk. Celui-ci déclare (II, pp. 349-350) que dans la société d’aujourd’hui la valeur d’usage des biens présents n’est pas plus grande pour le capitaliste que celle des biens futurs : 10 fr, disponibles dans deux ans valent autant que 10 fr. immédiatement disponibles. Böhm-Bawerk note encore (pp. 332-333) que le capitaliste, en général, n’aurait pas avantage, bien au contraire, à consommer son avoir d’un coup ; son intérêt veut qu’il en conserve une partie pour la satisfaction des besoins futurs ; ainsi il estimera les biens présents moins que les futurs, ou plutôt — les biens présents pouvant être conservés — il les estimera autant, Et la dépréciation du futur ne changera presque rien à cela.
  2. Les variations du rapport des ressources et des besoins feraient créer des capitaux nouveaux et consommer d’autre port des primes d’amortissement en quantités point très inégales ; la dépréciation du futur tendrait à abaisser le degré capitalistique de l’économie, mais son influence serait probablement assez faible. Je reviendrai là-dessus au dernier chapitre (§§ 145 et suiv.).