Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/349

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200 francs, leur est plus utile, encore, que n’est utile aux demandeurs de capital en concurrence avec eux l’acquisition d’un revenu de 200 francs. Ainsi, même dans l’hypothèse où je déclarais que l’intérêt particulier et l’intérêt général étaient en conflit, il peut très bien se faire qu’il n’existe aucun conflit de cette sorte.

4. Un cas inverse du précédent peut se présenter, qui mérite aussi d’être examiné,

Un particulier hérite d’une forêt aménagée à l’état de taillis[1]. La forêt, avec un aménagement plus long, donnerait plus de bois ; mais pour passer d’un aménagement à l’autre, il faudrait se résigner à se priver d’une grande partie du revenu pour longtemps, pour 100 ou 150 ans peut-être. Notre particulier additionnera les sommes qu’il devra renoncer à percevoir et les intérêts composés que ces sommes lui rapporteraient, placées au taux courant, et il regardera si le total ainsi obtenu dépasse ou non la somme que représente, capitalisé au taux courant, le surcroît de revenu qu’il aurait 100 ou 150 ans après. Le résultat de ce calcul sera, je suppose, que l’aménagement de la forêt ne sera pas allongé. Que si notre propriétaire avait additionné, sans les composer, les sommes non perçues, le résultat eût été autre peut-être ; et s’il ne tenait pas compte de ces intérêts, il serait autre plus vraisemblablement encore. Eh bien, ce propriétaire a-t-il raison de conserver l’aménagement en taillis ? Et s’il a raison de le faire, ce qui lui est avantageux est-il avantageux aussi pour la société ?

Cette double question est assez délicate à résoudre. Il s’agit ici d’un calcul d’intérêts composés. Or le calcul des intérêts composés a quelque chose de troublant, à cause des résultats formidables qu’il donne quand on envisage une période tant soit peu étendue. Le sentiment général est qu’il y a dans le calcul des intérêts composés comme une fantasmagorie contre laquelle on doit se mettre en garde[2]. Et ce sentiment nous porterait à croire que ni par rapport à l’individu, ni par rapport à la société il n’y a lieu d’entrer dans la considération des intérêts composés.

Dans L’utilité sociale de la propriété individuelle, cependant, j’ai admis qu’il convenait au particulier de calculer les intérêts composés des sommes non perçues par lui ; mais en même temps j’admettais que l’avantage de la société ne s’accordait pas ici, en règle générale, avec celui des particuliers : ceci, pour la raison que les revenus auxquels il faudrait renoncer pour allonger l’aménagement ne seraient pas, en fait, capitalisés tous, que les

  1. Voir § 205.
  2. De là sans doute sont venus, pour partie du moins, les anciens préjugés contre le prêt à intérêts.