Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/350

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revenus capitalisés ne seraient pas tous employés dans la production, et de même pour les revenus des revenus employés dans la production[1].

Cette opinion, je dois le reconnaître, est quelque peu contradictoire. Je me suis convaincu que le calcul des intérêts composés, nécessaire pour estimer l’avantage de l’individu, l’est aussi — abstraction faite de certaines considérations sur lesquelles j’aurai à revenir — pour estimer l’avantage de la société.

L’individu — je ne crois pas qu’aucun auteur ait songé à le nier — doit composer les intérêts des sommes qu’il lui faudrait renoncer à percevoir. Sans doute il lui arrivera de ne pas placer effectivement toutes ces sommes, et les intérêts qu’elles donneront, et les intérêts de ces intérêts. Mais quand il lui arrivera de consommer une de ces sommes, ou les intérêts de l’une d’elles, ce sera peut-être qu’il y trouvera son avantage[2]. Et alors le calcul des intérêts composés aura indiqué à notre individu non pas ce qu’il lui faudrait perdre s’il allongeait son aménagement, mais une quantité inférieure. Ce calcul indique le minimum de ce qu’il faut abandonner pour allonger l’aménagement ; l’hypothèse dans laquelle il nous met, c’est-à dire l’hypothèse de revenus tous placés, de même que les intérêts de ces revenus, est l’hypothèse la plus favorable à l’allongement de l’aménagement.

S’il en est ainsi pour l’individu, il en sera de même pour la société ; ce qui s’applique à celui-là, dans le cas qui nous occupe, s’applique également à celle-ci. L’aménagement étant allongé il serait produit, après 100 ans d’attente, pour 1.000 francs de plus de bois par an. D’autre part, si le produit des coupes auxquelles il faudra renoncer pendant 100 ans est employé régulièrement à accroître le revenu social, et les intérêts de ces coupes, ce revenu social, après les 100 ans écoulés, serait accru de plus de 1.000 francs. Mais le produit des coupes de taillis, dira-t-on, ne recevra pas cette affectation, il sera souvent consommé d’une manière

  1. Cette opinion est celle de Cournot, « L’aménagement propre à donner le plus grand produit annuel en mètres cubes de bois, dit-il, est un aménagement séculaire dont aucun particulier ne pourrait s’accommoder ». D’autre part cet aménagement est « le plus utile à la société ». Ainsi Cournot admet le calcul des intérêts composés pour l’individu ; mais il ne l’admet pas pour la société, parce que le « capital réel ne peut suivre comme le capital fiduciaire la loi d’accroissement en progression géométrique ; … le sou placé à intérêt composé depuis l’origine de l’ère chrétienne et les sommes étourdissantes qu’il produit sont des jeux d’esprit bons à laisser dans nos classes de mathématiques » (Revue sommaire des doctrines économiques, Paris, 1877, pp. 36, 37, 38).
  2. Encore une fois je fais abstraction ici de certaines possibilités qui seront examinées bientôt : notre particulier, par exemple, peut être un prodigue et sacrifier le futur au présent.