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improductive ! Qu’importe ? Si on le consomme d’une manière improductive, c’est — ou du moins ce peut être[1] — que cette consommation improductive est socialement plus avantageuse qu’un emploi productif.

Le calcul des intérêts composés est donc nécessaire pour la société comme pour les individus. Si je ne m’en suis pas aperçu naguère, c’est toujours pour le motif que j’ai dit plus haut, c’est pour avoir considéré dans les opérations capitalistiques la valeur des biens abandonnés et des biens obtenus, sans tenir compte des conditions subjectives où se faisaient et le renoncement et d’acquisition.



3. Je vais maintenant exposer — de la manière la plus sommaire — le tableau des conflits des intérêts particuliers et de l’intérêt général dans l’ordre de la capitalisation, tel que je le conçois aujourd’hui.

A. Un premier conflit de l’intérêt particulier et de l’intérêt social, dans l’ordre de la capitalisation, résulte de ce fait que l’individu est périssable, tandis que la société peut être regardée comme impérissable. Un individu qui ramènerait tout à son intérêt propre trouverait son avantage à consentir à des renoncements temporaires ; il entreprendrait des productions capitalistiques, il prêterait. Mais dans ses calculs ce capitaliste ne ferait entrer en compte, comme biens futurs, que les biens qu’il serait assuré de pouvoir consommer avant sa mort ; il s’arrangerait du moins pour ne rien laisser après lui de son avoir.

De tels individus existent : ce sont ceux qui placent leur fortune en viager. Et il est clair que leur pratique est socialement fâcheuse[2] : car enfin si le renoncement à une consommation égale à m doit permettre, par la suite, une consommation égale à 2m, il importe peu à la société que cette deuxième consommation soit opérée ou non par le même individu qui a renoncé à celle-là. Ceux qui s’appliquent à « manger » tout leur avoir de leur vivant diminuent, par leur fait, la capitalisation, lorsqu’ils mettent fin à des opérations capitalistiques, lorsqu’ils détruisent, comme on dit, des « capitaux » qu’il leur serait

  1. Je réitère les réserves indiquées dans la note précédente.
  2. N’oublions pas cependant qu’il existe un préjugé contre l’économie. On approuve celui qui fait des placements dont il bénéficiera, où dont bénéficieront ses enfants ; on blâmera le vieillard sans enfants qui fait des placements, comme si ces placements n’augmentaient pas la richesse sociale ! C’est le même préjugé qui pousse les gens à applaudir aux dépenses les plus folles des prodigues : ces gaspillages « font marcher le commerce » !