Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/47

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cet achat, à moins d’être informé que les biens en question vont monter de prix : et ces variations des prix ne se savent pas à l’avance avec certitude, car si on pouvait les prévoir avec certitude c’est tout de suite que la hausse attendue se manifesterait. Pour ce qui est, d’autre part, des biens que nous pouvons produire ou obtenir nous-mêmes, aurons-nous lieu de rechercher si quelque jour ils doivent nous devenir plus utiles qu’ils ne le sont aujourd’hui ? non pas, si du moins nous avons la possibilité de les vendre, à quelque moment que ce soit, un prix supérieur à la plus haute utilité qu’ils doivent jamais avoir pour nous : et c’est le cas de beaucoup le plus fréquent.

En somme, ce qui règle notre consommation, c’est l’excès plus ou moins grand de l’utilité des biens sur les prix auxquels ces biens sont tarifés[1]. Par voie de tâtonnements, remplaçant sans cesse dans notre consommation de certains biens par des biens du même prix qui nous sont plus utiles, nous arrivons à établir comme une échelle des biens, avec en haut de cette échelle les biens pour lesquels l’excès que j’ai dit est le plus grand. Un changement survient-il dans tel de nos besoins, l’utilité s’accroît-elle pour nous — ou diminue-t-elle — de tel ou tel bien, le bien en question se déplacera dans cette échelle que nous établissons entre les biens, en tenant compte de leur utilité à la fois et de leur prix, afin de savoir quels sont ceux qu’il nous est le plus avantageux d’acheter, quels

  1. Comment est-on en droit de parler d’un excès de l’utilité sur la valeur ? l’utilité et la valeur ne sont-elles pas, malgré les rapports étroits qu’elles entretiennent, deux choses différentes ? n’y a-t-il pas un système des utilités et un système des valeurs ? Sans doute ; mais on peut unir ces deux systèmes en faisant égales ensemble l’utilité et la valeur du moins utile des biens qu’un individu a avantage à se procurer. Si j’estime à 100 l’utilité du bien que j’achète avec mes derniers me francs, je dirai d’un bien dont l’utilité est double, et qui vaut 120 francs, que l’excès de son utilité sur sa valeur est 80.