Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/63

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pas longtemps en contemplation devant son gâteau, et il ne voudrait sans doute pas payer d’un sacrifice, de l’abandon d’un morceau, même très petit, de son gâteau, le droit de retarder sa jouissance. Mais il y a mieux à dire. L’enfant qui attend pour manger son gâteau ne préfère pas un bien futur à un bien présent : il retarde le moment inévitable du regret[1] ; il ajoute aussi à la jouissance qu’il éprouvera à manger son gâteau le plaisir plus durable, encore que sans doute moins vif, de penser qu’il le mangera ; et s’il pèche en quelque manière, c’est par une trop grande hâte, d’où il résulte que l’ensemble des plaisirs et des peines que son gâteau lui procurera ne sera pas la quantité positive la plus grande possible.

26. Il y a encore des gens qui travaillent sans relâche à s’enrichir et qui ne songent pas, comme on dit, à jouir de leur richesse. C’est qu’ils trouvent un plaisir intense à savoir, non pas qu’ils auront du bien-être ou du luxe un jour, mais qu’ils pourront en avoir ; ou bien encore ils tirent de leur richesse des satisfactions d’orgueil et de vanité : et ce plaisir, ces satisfactions sont des biens réels, supérieurs à ceux que nos gens se procureraient en dépensant leur avoir. On remarquera qu’il leur faut en général, de cette richesse à laquelle ils tiennent tant — et qui en un sens n’est pas la richesse véritable, puisqu’elle n’est que la possibilité de se procurer ce bien-être auquel les hommes tout d’abord s’attachent — des signes matériels, biens au soleil, maisons ou terres, titres de rente, pièces d’or. On ne se représente guère un homme qui, con-

  1. D’une certaine manière, ceci est encore une confirmation du fait avancé ci-dessus. On aime mieux jouir plus tôt que plus tard ; on aime mieux aussi — c’est la contre-partie, et c’est le complément de la vérité précédente — retarder une souffrance, une peine qu’il faut subir, quand même elle devrait par là être plus vive : tout le monde a pu en faire l’observation.