Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tent de savoir qu’il lui est loisible de bien vivre, cependant se priverait de toute commodité : c’est la pensée et la vue des propriétés qu’ils possèdent qui fait le bonheur de nos riches ; ils s’attachent aux instruments qui donnent la richesse vraie, non pas à celle-ci, ils font de ces instruments qui par eux-mêmes, pour qui raisonne froidement, sont sans utilité aucune, des biens véritables et présents. Si l’on tient compte de ce phénomène psychologique, il n’y aura pas lieu de considérer de telles gens comme faisant exception à la règle formulée plus haut.

27. On peut donc tenir pour certain que les biens futurs, à utilité égale, ne sont jamais plus estimés que les biens présents. Et d’autre part il est aisé de constater que souvent les biens présents sont préférés aux futurs.

De ce fait il y a des raisons multiples. La première est dans notre imagination, qui nous représente plus vivement les joies prochaines que les joies éloignées : l’idée pénible de la longue attente à subir se mêle toujours, plus ou moins consciemment, à la représentation des joies lointaines pour amortir cette représentation, lorsqu’elle apparaît spontanément dans notre esprit, et même alors que nous nous y arrêtons volontairement ; et puis il y a aussi l’attraction qu’exerce sur l’idée de l’éloignement dans le temps celle de l’éloignement dans l’espace, lequel diminue la netteté de la vision, la vivacité des impressions quelles qu’elles soient[1]. Une autre raison est que

  1. Böhm-Bawerk (II, pp. 268-269) fait intervenir à côté de l’imagination la volonté. Il se demande, il est vrai, si cette « faute de la volonté » qu’il mentionne comme une des causes de la dépréciation des biens futurs ne se ramène pas à cette faiblesse de l’imagination dont il a parlé tout d’abord. En fait, si par volonté il faut entendre la raison, en tant qu’elle contribue à déterminer nos actes, il est trop clair que la dépréciation des biens futurs suppose une «  faute de la volonté » ; mais dire cela, ce n’est proprement rien expliquer.