Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/172

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Beauchamp qui, comme il a été dit, connut mieux que personne tout ce qui se rattache aux affaires de l’Ouest, Beauchamp, dans son Histoire de la Vendée et

    dans les Mémoires du témoin L.-G. de Villeneuve. Voilà comme il fallait écrire l’histoire sous la Restauration, quand on était chef de bataillon, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis.
    Il y a plus fort. Le mensonge sur ce point était tellement commandé que Puisaye lui-même, dans le but sans doute de se conformer à la version désormais admise et peut-être aussi d’acheter sa rentrée en grâce (qu’il n’obtint pas du reste) eut le courage de raconter, en 1803, dans ses Mémoires, que la sommation d’Ellison fut faite au nom de Louis XVIII.
    Cette fausse version s’est ainsi glissée dans l’histoire. On peut s’étonner cependant que des historiens sérieux y aient été pris. Crétineau-Joly, ou du moins son continuateur, le R. P. Drochon a voulu l’appuyer en produisant un texte prétendu original des deux lettres de sommation adressées successivement par Ellison à Boucret (texte traduit, dit-il, du Naval Cronicle de 1896). Avant même de connaître le texte (qui est donné ici pour la première fois) de la copie authentique publiée par le Journal des hommes libres, il devait sauter aux yeux d’un historien attentif que, dans la première au moins des deux lettres, le nom de Louis XVIII a été substitué à celui de Louis XVII. Cela ressort, non seulement de ce que l’exactitude du Moniteur sur ce point ne saurait être mise en doute, mais aussi — ce qui n’aurait pas dû échapper au sens critique du R. P. Drochon — de ce que les termes de la seconde lettre (qu’il revendique l’honneur d’avoir fait connaître le premier) sont inconciliables avec l’hypothèse de la sommation au nom de Louis XVIII, contenue dans la première. (Voir Append. n° 11, tous les documents qui se rapportent à cette affaire.)
    Quant à M. Chassin, il donne de cette sommation, une version de fantaisie où il n’est question ni de Louis XVII, ni de Louis XVIII ; il ne veut pas s’embarrasser de savoir au profit de qui marchaient les auxiliaires de l’expédition. Qu’il s’agisse d’un roi ou d’un autre, qu’importe à un bon républicain ! — Très bien ; seulement écrire l’histoire de Quiberon, en négligeant ce détail, c’est à peu près comme si un chimiste se chargeait d’analyser une substance, à la condition de ne pas tenir compte d’un des éléments qui la composent.