Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/270

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égorgés tant par nos soldats que par les leurs, qui nous avaient aidé à escalader[1]. »


La facile réussite de cette entreprise est due incontestablement à un grave défaut de vigilance, qu’on a beaucoup reproché à Puisaye, et dont, malgré les difficultés de son commandement, il ne paraît pas devoir être déchargé. Vauban, son ami, raconte qu’étant allé au commencement de cette nuit, visiter les postes avancés, occupés par des troupes bretonnes, et ayant, à son retour par les forts, constaté que les consignes n’étaient pas observées (on n’était même pas venu le

  1. Ce récit d’un capitaine du bataillon de la Gironde, donné textuellement pas Chasle de La Touche, p. 85, ressemble fort peu aux narrations pompeuses de Rouget de Lisle, de Moreau de Jonnès et autres. Il a pour lui de se rapprocher beaucoup des relations émanant du parti adverse, ce qui constitue bien déjà une garantie de sincérité ; il a, de plus, de ne pas être en contradiction avec le témoignage physique que présente l’état des lieux. La grève sur laquelle marchait la colonne est unie, comme une allée de jardin ; on n’y pouvait rencontrer ni récifs, ni rochers, et il n’y avait aucun prétexte à ramper comme des crabes. La fureur de la mer, à marée basse, ne pouvait en rien gêner la marche, le tumulte des vagues était plutôt favorable à la surprise. Le rocher qui porte le fort est élevé de sept à huit mètres tout au plus, à peine la hauteur d’un second étage. L’escalade eut été périlleuse contre une défense énergique, comme le constate le capitaine ; mais effectuée avec l’aide de la garnison, elle ferait sourire les alpinistes de la force de Tartarin ou de M. Perrichon.
    N’est-il pas triste de voir un homme de la valeur de Hoche recourir à ces procédés de réclame emphatique et mensongère dont la Convention avait fait un de ses moyens de gouvernement, et travestir la réalité des faits par des rapports comme celui-ci : « Représentants d’un peuple qui idolâtre la valeur, voyez Ménage braver, à la tête de cent cinquante grenadiers, les flots d’une mer orageuse, le feu de cinquante bouches à feu, gravir un rocher inaccessible, pour servir sa patrie et s’emparer du fort Penthièvre… » (Lettre au Comité de salut public, 23 thermidor an III.)