Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quenouilles aux gentilshommes qui n’émigraient pas et qui rendaient ce service immense de rester dans le pays les conservateurs et les soutiens naturels de la résistance à l’esprit révolutionnaire ; qui faisait mesurer les encouragements et les secours aux braves gens qui sacrifiaient leurs biens et leurs vies à combattre pour la cause royale ; qui, par des manœuvres perfidement habiles et par le refus de nommer un généralissime d’une autorité indiscutable, s’appliquait à entretenir entre les divers chefs une rivalité destructive de toute unité d’action ; qui faisait négliger cette force formidable, dont la poussée d’ensemble eût infailliblement renversé la République et qui faisait préférer au résultat certain d’un rétablissement glorieux par l’effort loyal de sujets dévoués, les chances incertaines d’une rentrée par le secours humiliant et onéreux de l’étranger.

Le grand mal du parti royaliste, qui annulait sa force et arrêtait le branle irrésistible du levier offert à son action, c’était ce malentendu entre les deux fractions principales, attachées, en réalité, à la poursuite de projets, non seulement différents, mais essentiellement contraires : malentendu d’autant plus funeste qu’il ne pouvait se résoudre en une scission déclarée, ni même en une discussion ouverte, le respect des convenances monarchiques interdisant, dans les circonstances actuelles le scandale de récuser l’autorité du Régent de France ou d’accuser le moindre soupçon sur la loyauté de ses intentions. Il fallait marcher sous le même drapeau ; on y marchait en s’observant, en s’épiant hostilement, en se tendant des pièges, en combinant les moyens de se surprendre.