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et aïant comme nous tous les organes de la vie et du sentiment, savoir : des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, des narines pour flairer et discerner les odeurs, une langue et un palais pour discerner le goût des viandes et de la nourriture qui leur convient, et des piés pour marcher ; et voïant d’ailleurs comme nous voïons en eux toutes les marques et tous les effets des passions que nous sentons en nous mêmes, il faut indubitablement croire aussi qu’ils sont sensibles, aussi bien que nous, au bien et au mal, c’est à dire au plaisir et à la douleur ; ils sont nos domestiques et nos fidèles compagnons de vie et de travail, et par ainsi il faut les traiter avec douceur. Bénites soïent les Nations qui les traitent bénignement et favorablement et qui compatissent à leur misère et à leur douleur. Mais maudites soïent les nations qui les traitent cruellement, qui les tirannisent, qui aiment à repandre leur sang et qui sont ardens à manger leur chair. Il est dit en quelques endroits des Ecritures apocrifes[1] qu’un mauvais grain de méchanceté, ou qu’un grain de mauvaise semence a été semé, dès le commencement, dans le cœur d’Adam : Gramen seminis mali seminatum est in corde Adam ab initio. Il semble en effet que ce mauvais grain de méchanceté, ou que ce grain de mauvaise semence se trouve encore maintenant dans le cœur de tous les hommes, et que c’est ce grain de méchanceté qui leur fait encore tous les jours trouver du plaisir à mal faire et particuliérement à exercer, comme ils font, leur cruauté envers ces pauvres, douces et innocentes bêtes

  1. Esdras, 4, 30.