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Page:Le Testament de Jean Meslier - Tome 1, 1864.pdf/296

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n’y a rien qu’ils ne soient capables de faire aveuglément, sous ce vain, sous ce faux et sous ce malheureux prétexte de religion, puisqu’en faisant les actions mêmes les plus blâmables et les plus détestables, ils s’imaginent faire encore en cela les actions les plus louables et les plus excellentes vertus. En voici un exemple dans cet Abraham même, qui sans consulter et sans hésiter sur un tel songe ou sur une telle vision, si l’on veut, se proposa incontinent d’exécuter ce prétendu commandement, en donnant adroitement, ou plutôt sotement et indiscretement, un spécieux tour de piété, à une action qui auroit dû lui faire horreur.

Voici comme on tient qu’il parla sur ce sujet à son fils Isaac, après avoir tout disposé pour le sacrifice[1]. Mon fils, lui dit-il, je vous ai demandé à Dieu par d’instantes prières, il n’y a point de soins que je n’aie pris de vous depuis que vous êtes venu au monde, et je considérois comme le comble de mes voeux, de vous voir arriver à un âge parfait, et de vous laisser en mourant l’héritier de tout ce que je possède, mais puisque Dieu, après vous avoir donné à moi, veut maintenant que je vous perde, souffrez généreusement que je vous offre à lui en sacrifice ; rendez lui, mon fils, cette obéissance et cet honneur, pour lui témoigner notre gratitude des faveurs, qu’il nous a faites pendant la paix, et de l’assistance qu’il nous a donnée pendant la guerre. Comme vous n’êtes né que pour mourir, quelle fin vous peut être plus glorieuse que

  1. Joseph, Histoire des Juifs, Tom. 1, Ch. 13.