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ou au-dessous des apparences premières des choses il y a un être ou des êtres supérieurs à l’homme, dont celui-ci dépend et qu’il se sent porté à adorer."

D’après mon avis le mot de "religion" n’a rien de commun avec la "croyance à" ou même la conception "d’un être ou d’êtres supérieurs à l’homme."

Le sentiment reliant et commun, qui fait de l’homme un être social et qui lui fait coopérer sciemment au procédé vital, comme une partie inaliénable d’un tout vivant, se manifeste en amour du vrai, du bien et du beau.

Ce sentiment religieux peut s’être assimilé chez Mr. Réville et chez des milliers de personnes comme lui, avec la tendance à une croyance à un être supérieur, dont l’homme dépend etc. ; mais pour cela il n’est pas inséparable de cette tendance, ni par conséquent un avec cette tendance. Moi-même, par exemple, je prétends être très-religieux, quoique je ne puisse aucunement accepter l’existence de l’être ou des êtres dont parle Mr. Réville et moins encore les adorer.

L’injuste acception, dans laquelle on se sert ordinairement du mot religion, a induit en erreur Mr. Réville. La définition qu’il donne s’applique au mot Lâtrie, et non pas à Religion.

Le Sentiment religieux a en soi un élément de vénération, d’attraction vers l’objet de la vénération, de tendance vers le perfectionnement ; il est inné à l’homme, il est commun à tous et constitue ainsi l’état normal de l’esprit.

Le Sentiment lâtre porte à l’adoration, à la sacrification de soi-même à l’objet de l’adoration, à l’extase hystérique ; il se développe chez l’homme par l’exaltation, il est personnel, local et temporel, et constitue de cette façon l’état anomal de l’esprit.

Le Sentiment religieux se développe par la science, le sentiment lâtre par la foi.

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À l’égard du mot dieu, il y a chez Mr. Réville un embrouillement d’idées non moins palpable qu’à l’égard du mot religion.

Dieu est la cause indéfinie du premier effet défini. La circonférence de l’indéfini, perdant à mesure que gagne la circonférence du défini, Dieu, l’antithèse de la Nature, perd de son domaine à chaque victoire que la science remporte.

Dieu serait tout pour un peuple complètement ignorant ; Dieu ne serait plus rien pour un peuple omni-scient.