Page:Le Testament de Jean Meslier - Tome 1, 1864.pdf/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ces incrédules, que Boileau caractérisait si bien en disant, que Dieu avait en eux de sots ennemis, s’abandonna à des sorties malignes. Le curé lui répliqua avec un grand sang-froid : "qu’il ne fallait pas beaucoup d’esprit pour se railler de la religion ; mais qu’il en fallait beaucoup plus pour la sountenir et la défendre."

Le curé Meslier était sévère partisan de la justice, et poussait quelquefois son zèle un peu trop loin. Le seigneur de son village ayant maltraité quelques paysans, il ne voulut pas le recommander au prône ; mais le cardinal de Mailly, alors archevêque de Reims, devant qui la contestation fut portée, l’y contraignit ; le dimanche qui suivit cet ordre, le curé monta en chaire, se plaignit de la sentence du cardinal, et dit : "Voilà le sort ordinaire des pauvres curés de campagne ; les archevêques, qui sont de grands seigneurs, les méprisent et ne les écoutent pas ; ils n’ont des oreilles que pour la noblesse. Recommandons donc le seigneur de ce lieu et prions Dieu pour M. de Clairy[1]. Demandons à Dieu sa conversion, et qu’il lui fasse la grâce de ne point maltraiter le pauvre et de ne point dépouiller l’orphelin."

Le seigneur d’Étrépigny, qui avait été présent à cette mortifiante recommandation, en porta de nouveau plainte au même archevêque, qui fit venir le curé Meslier à Donchery, où il le maltraita en paroles.

À dater de ce moment le curé et son seigneur semblent avoir vécu en guerre ouverte. "La tradition du pays est, qu’ayant eu des difficultés avec M. de Clairy, seigneur de sa paroisse, concernant des droits honorifiques que ce dernier prétendait et qui n’avaient point été accordés à ses prédécesseurs, il en fut reprimandé à l’archevêché de Reims ; que cette reprimande, qu’il ne croyait pas mériter, et quelques outrages particuliers qu’il recevait du Seigneur, dont les jardins étaient contigus à l’église, outrages qui furent poussés si loin, que M. de

  1. Voltaire nomme ce seigneur, Antoine de Touilly.