Page:Le Testament de Jean Meslier - Tome 1, 1864.pdf/56

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ma cause, je devais permettre à ma prudence de brider mon enthousiasme tant que mes moyens ne me permettraient pas de lui laisser un libre cours, je résolus de publier l’ouvrage de façon à ce que, même sans la moindre marque de sympathie et malgré l’antipathie la plus active, je pusse l’achever sans achever en même temps ma ruine. C’est à cette considération qu’on doit le prospectus que je lançai au 1er  Septembre 1860, peu de temps après que la copie-manuscrite fût tombée en ma possession. Voici ce qu’après avoir donné une rapide esquisse de la vie de Meslier et des extraits de son oeuvre, publiés par Voltaire et par d’Holbach, je disais dans ce prospectus et ce que je ne crois pas hors de saison de répéter ici.

"Un siècle à peu près s’est écoulé depuis que Voltaire a révélé au monde l’existence de l’auteur, et celle de son œuvre. L’humble curé de village, immortalisé par cette volonté toute-puissante, a atteint les dimensions d’un athlète de première force. Son nom, vénéré par tout ce qui pense, abhorré par tout ce qui croit, est connu jusqu’aux recoins les plus obscurs, jusqu’aux confins les plus éloignes du monde civilisé. Les deux extraits de son œuvre, anathématisés par les Christicoles, le second supprimé et confisqué même par les Tyrans, sont lus avidement… et le manuscrit, le précieux Testament, écrit de sa main, est encore là dans sa demi-obscurité, sans avoir trouvé un éditeur, — au risque de devenir un jour pour les savants et les érudits un sujet de discussion et de recherches laborieuses, afin de déterminer s’il a réellement existé, ou bien si le Curé Meslier n’a été qu’un prête-nom à Voltaire et à d’Holbach.

Parmi les causes de cette négligence des éditeurs, on peut mettre sur la première ligne la peur des poursuites qu’avait subies l’extrait du baron d’Holbach, et qui ne manqueraient pas d’être renouvelées d’une manière plus acharnée encore à la publication de l’œuvre originale. Aussi, est-il naïf dans ses raisonnemens, le bon curé d’Étrépigny. Il dit tout bonnement tout ce qu’il pense, et encore le dit-il comme il le pense, simplement, crûment même, sans se soucier de l’impression que produiront ses paroles. Il ne serait donc pas étonnant, que les gouvernements et les sacerdoces, jaloux de leur monopole de la vérité, pussent bien encore