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serait pousser à la démoralisation de l’homme, ce serait travailler à la retrogradation du progrès. La civilisation demande de l’homme qu’il s’éloigne toujours de plus en plus de son état primitif de bête féroce et qu’au lieu de continuer à détruire, il s’humanise graduellement en apprenant à conserver et à produire. L’instinct du bipède pousse à l’animosité, à la rancune, à la vengeance ; la raison de l’homme se manifeste par l’amour fraternel, le pardon, l’assistance. Nous tous, tant que nous sommes, nous tenons encore du bipède par l’instinct, presqu’autant que nous nous développons à l’état d’homme par la raison. La raison, c’est l’instinct perfectionné au moyen des organes de la pensée et de la parole ; l’homme c’est le bipède parvenu à un degré supérieur de développement, parvenu à l’état d’Etre conscient. Tout acte qui se fait spontanément est un acte instinctif, comme tout acte qui est le résultat d’un choix fait après délibération sur les effets à attendre des causes à produire, est un acte raisonnable. L’ivrognerie qui abrutit, la passion qui aveugle, la colère qui paralyse la raison replongent momentanément l’homme en plein état de bipède, et c’est dans cet état que l’être humain redevient sanguinaire, en même temps qu’il cesse d’être responsable de ses actions.

RUDOLF CHARLES.
(R. C D’ABLAING VAN GIESSENBURG).