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les deux parties sont soudées avec une terre humide et grasse.

À notre arrivée, une partie de l’opération étant terminée, l’eau-de-vie kalmouke est déjà dans le récipient. Malgré toute notre bonne volonté, nous ne pouvons avaler ce qu’on nous sert de ce liquide avec trop de générosité.

On nous conduit devant un grand nombre de chevaux réunis qui forment ce qu’on appelle un « tabounn » ou haras. Des cavaliers, armés de fouets, les entourent et font constamment le même service que celui de nos chiens de berger autour d’un troupeau. Il y a bien là six mille chevaux sauvages que l’on conduit à des pâturages plus méridionaux.

On nous donne le spectacle d’une course. Ensuite les cavaliers vont dans le tabounn avec des lassos, puis les jettent sur de jeunes chevaux qu’on amène ainsi de force, et sur lesquels de jeunes garçons s’élancent. Ces chevaux qui n’ont jamais été montés entrent dans une sorte de frénésie, se cabrent furieusement, se roulent à terre, mais sans que les jeunes cavaliers impassibles se laissent démonter ; cet exercice très-violent et qui inspire un véritable effroi, dure quelques minutes qui nous paraissent très-longues ; heureusement deux Kalmoucks, montés sur des chevaux dressés, accourent vers ces jeunes garçons, et, passant vivement à côté d’eux, les enlèvent lestement de leurs chevaux sauvages et les prennent en croupe. Quant aux chevaux libres, ils rentrent dans le tabounn. Deux ou trois seulement s’échappent dans le steppe : quelques cavaliers s’élancent après eux pour les ramener[1].

Intérieur de la kibitka (tente) d’une princesse kalmouche. — Dessin de M. Moynet.

Nous assistons encore à quelques autres expériences dignes de Franconi. Certains cavaliers ramassent, en passant au galop, des pièces d’argent posées sur le sol. Notons que c’est l’exercice auquel les Kalmoucks se livrent avec le plus d’entrain, attendu que les roubles qui servent à la fois de but et de prix sont fournis par le prince et par nous.

On nous donne aussi le spectacle original d’une course sur des chameaux. J’avais vu des chameaux dans bien d’autres pays ; ceux du bord de la mer Caspienne sont les plus beaux que j’aie rencontrés, et, quant à leur course, jamais, je crois, il n’y en eut de plus rapide. Nous n’avons que le temps de les voir partir ; ils s’effacent aussitôt dans un nuage de poussière, disparaissent au loin, et quelques minutes après ils reviennent comme un ouragan au point de départ. Nous n’avons pas de chronomètre pour mesurer en combien de minutes et de

  1. Voyez une description plus détaillée d’une scène semblable dans Hommaire de Hell, les Steppes de la mer Caspienne, t. I, p. 433.