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cueil. Il nous suffit d’avoir indiqué par les morceaux qui précèdent, quel genre d’intérêt s’attache à ces traditions polynésiennes et quels étranges rapprochements la science ethnologique pourrait en déduire.

En regard de ces vénérables débris de la poésie primitive et comme complément au portrait de Maré, nous croyons devoir placer un modeste échantillon de la poésie moderne de Tahiti. Il est dû à ce même Maré, homme remarquable au plus haut degré par la réunion en sa personne des contrastes les plus opposés : chrétien fervent et non moins fervent collecteur des traditions païennes de sa terre natale ; partisan convaincu des principes anglais en religion et partisan non moins dévoué des principes français en politique ; sain de tête et de cœur jusqu’à son dernier jour, mais torturé depuis de longues années par l’éléphantiasis, qui lui rongeait les membres inférieurs.

Portrait en pied du Tahitien Maré. — Dessiné d’après nature à Tahiti par M. Charles Giraud.


MARET À L’AMIRAL BRUAT MALADE.

Voici la pensée qu’a fait naître en moi la maladie du gouverneur Bruat : grande est ma peine et grand mon chagrin à cause de mon attachement ; et je me dis que si le gouverneur venait à être tout il fait mal[1] et s’il nous arrivait un nouveau gouverneur, ce nouveau gouverneur agirait-il-bien à mon égard, comme Bruat a bien agi envers moi et envers toute ma famille ? et voici ce que je pense lorsque je me recueille en dedans de moi ; je prie avec force qu’il plaise à Dieu de le protéger, parce que l’homme qui à sa vie entre les mains de Dieu vivra. »

L. Gaussin.
  1. Mare, par délicatesse, évite d’employer le mot qui exprimerait ce qu’il appréhende.