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Page:Le Tour du monde - 18.djvu/96

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terne avec la glorification de l’orgueil de famille. Ce n’est pas assez que le mikôsi protége le cercueil : il faut qu’à la sortie de la demeure mortuaire il passe sous un cerceau de bambou bénit, qui retient dans la maison de deuil les malignes influences. Les bonzes ouvrent la marche, armés de leurs rosaires. Les plus proches parents sont habillés de blanc ou coiffés d’un vulgaire chapeau de paille, qu’ils ne déposeront qu’après avoir accompli les cérémonies de la purification. Un écriteau que l’on porte en avant du mikôsi proclame le nom que le défunt recevra dans son épitaphe. Les chevaux d’un chef militaire figurent dans son convoi funèbre, revêtus d’un caparaçon blanc et conduits par des palefreniers en deuil. Ses sabres, ses armoiries, sa bannière, divers objets précieux propres à rappeler le rang qu’il tenait dans le monde, sont exhibés de distance en distance, dans les divers groupes des gens de sa suite ou de sa parenté.


Visites de condoléance. — Dessin de A. de Neuville d’après une peinture japonaise.

Quant au convoi du pauvre, il se réduit à un très-petit nombre de proches et d’amis, qui, pèle-mêle et pressant le pas, se hâtent d’atteindre, au coucher du soleil, la sinistre vallée où la crémation vulgaire se fait sous les auspices de quelque bonze de bas étage, délégué d’un couvent voisin.

Les yétas, les parias de la société japonaise, privés des secours de la religion, dédaignent toute espèce de cérémonies : ils chargent sur de simples brancards les cadavres de leurs frères d’abjection et les emportent dans un lieu désert. Là, ils amassent un monceau de bois mort sur lequel ils étendent les corps recouverts d’une natte de paille, et ils attisent de leurs mains le feu qui doit rendre aux éléments ces misérables vestiges de créatures humaines.

Aimé Humbert.

(La suite à la prochaine livraison.)