Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
POÈMES ANTIQUES.

C’était le Dieu. Sa noire et lisse chevelure,
Ceinte de fleurs des bois et vierge de souillure,
Tombait divinement sur son dos radieux ;
Le sourire animait le lotus de ses yeux ;
Et dans ses vêtements jaunes comme la flamme,
Avec son large sein où s’anéantit l’âme,
Et ses bracelets d’or de joyaux enrichis,
Et ses ongles pourprés qu’adorent les Richis,
Son nombril merveilleux, centre unique des choses,
Ses lèvres de corail où fleurissent les roses,
Ses éventails de cygne et son parasol blanc,
Il siégeait, plus sublime et plus étincelant
Qu’un nuage, unissant, dans leur splendeur commune,
L’éclair et l’arc-en-ciel, le soleil et la lune.
Tel était Bhagavat, visible à l’œil humain.
Le nymphéa sacré s’agitait dans sa main.
Comme un mont d’émeraude aux brillantes racines,
Aux pics d’or, embellis de guirlandes divines,
Et portant pour ceinture à ses reins florissants
Des lacs et des vallons et des bois verdissants,
Des jardins diaprés et de limpides ondes,
Tel il siégeait. Son corps embrassait les trois Mondes,
Et de sa propre gloire un pur rayonnement
Environnait son front majestueusement.

Bhagavat ! Bhagavat ! Essence des Essences,
Source de la beauté, fleuve des Renaissances,
Lumière qui fais vivre et mourir à la fois !
Ils te virent, Seigneur, et restèrent sans voix.