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EXIGENCES DE LA CONGRÉGATION

une foule de courtisans qui l’entouraient : « Messieurs, lequel de vous pourra dire tout de suite, et sans compter, combien il y a de volumes dans ce corps de bibliothèque ? » Plusieurs personnes hasardèrent un chiffre. « C’est Lévis qui a le plus approché, reprit monsieur le Dauphin ; je sais bien le nombre, car je les ai encore tous comptés pendant le dernier conseil. C’est ordinairement ma tâche quand je ne dors pas. »

Ces paroles étaient précieusement recueillies et, pour ce prince si retenu, paraissaient d’une hostilité positive à la marche adoptée par les ministres ; mais ces désaveux n’étaient connus que d’un petit cercle, et la popularité de monsieur le Dauphin souffrit une grande atteinte par son entrée au conseil.

Toutefois, dans cette occurrence, monsieur de Villèle avait marché sur sa longe ; l’opposition de monsieur le Dauphin n’étant plus à redouter, la Congrégation ne mit aucune borne à ses exigences et souvent il lui fallut subir sa loi. Elle disposait de tous les emplois et de tous les grades. Le plus ou moins de messes entendues décidait de l’avancement militaire. Les sentinelles eurent ordre de porter les armes à l’aumônier, et les notes qu’il envoyait sur les officiers étaient bien plus consultées par les ministres de la guerre, Damas et Clermont-Tonnerre, que celles des généraux inspecteurs qui finirent par se soumettre aussi aux exigences jésuitiques.

Charles x, agrégé à la Société et sous sa domination directe, ne se permettait pas une pensée sans la soumettre à sa décision. Elle lui arrivait par divers organes. Les plus habituels étaient l’abbé de Latil, devenu archevêque de Reims, et le marquis de Rivière qui succéda au duc Mathieu de Montmorency comme gouverneur de monsieur le duc de Bordeaux et entra en fonction dès que le petit prince eut atteint sa sixième année.