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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

une espèce de débâcle qui donna de vives inquiétudes.

Pendant ce temps, la Congrégation ne cessait pas de presser monsieur de Villèle d’accomplir ses promesses et le trouvait de plus en plus récalcitrant. La loi sur les communautés de femmes avait passé à grand’peine, dans la Chambre des pairs, et avec un amendement qui proscrivait formellement les communautés d’hommes.

Néanmoins, les maisons de jésuites se formaient partout ; elles voulaient obtenir la garantie d’une loi, au lieu d’une protection de tolérance. L’établissement de Saint-Acheul, près d’Amiens, s’était créé avec une rapidité inouïe, et toutes les personnes qui voulaient se faire bienvenir aux Tuileries confiaient leurs fils aux jésuites de Saint-Acheul et leurs filles aux dames du Sacré-Cœur. Les chefs politiques de la Société de Jésus avaient élu domicile dans leur maison de Montrouge. C’était là que s’ourdissaient les intrigues et où ils étaient en rapport avec leurs affiliés de la Cour et de la ville. J’ai bien des fois rencontré les plus actifs sur la route de Montrouge.

On avait hâté le moment où monsieur le duc de Bordeaux devait passer aux hommes. Cela était d’autant plus remarquable que madame de Gontaut lui donnait la meilleure éducation qu’un enfant put recevoir. Le jeune prince prospérait de toute façon entre ses mains ; mais on voulait le marquis de Rivière établi aux Tuileries et ayant un accès encore plus facile auprès du Roi.

J’ai raconté, fort au long, comment l’un et l’autre s’étaient jetés dans les idées religieuses, dans le même temps et par la même voie, ainsi que l’espèce de sympathie établie entre eux par cette similitude.

Monsieur de Rivière, honnête et loyal mais aussi borné que peu éclairé, était complètement jésuite de robe courte, et obéissait implicitement à ses supérieurs dans l’ordre. Il entraînait le Roi à toutes les mesures les plus