Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
CONDUITE DU ROI DE NAPLES

Il fut très mécontent d’avoir appris des événements de cette importance par une voie étrangère et tança vertement son monde ; mais il conçut une grande idée de la manière dont le prince de Metternich était instruit par ses agents et beaucoup de reconnaissance du secret qu’il avait fidèlement gardé, même vis-à-vis de l’Empereur son maître. C’est à dater de ce moment que l’empereur Alexandre commença à se livrer, d’une part, aux terreurs qui ont empoisonné le reste de sa vie et, de l’autre, à une confiance pour le prince de Metternich qui bientôt ne connut plus de borne.

Dans ces conjonctures, le prince Ypsilanti quitta le drapeau russe pour lever en Grèce celui de l’indépendance. À toute autre époque, le cabinet de Pétersbourg, qui préparait cette catastrophe depuis un siècle, l’aurait assurément appuyé de tous ses moyens ; mais l’Empereur, effrayé de ce qui portait le caractère d’insurrection et surtout d’insurrection militaire, céda facilement aux exhortations du prince de Metternich. Celui-ci ne voulait pas de guerre en Orient. Son seul but était d’assurer la domination autrichienne en Italie.

On avait déjà vu le vieux Roi de Naples arriver à Troppau, accompagné de deux énormes lévriers seuls objets de ses sollicitudes, rapporter tous les engagements pris avec ses sujets, manquant ainsi aux serments les plus solennels au risque des dangers qu’il pouvait faire courir à son fils, resté à Naples en otage de sa bonne foi. On l’avait vu suivre les souverains alliés à Laybach, passer dans les rangs des troupes autrichiennes, prêcher la croisade contre ses propres États et, les larmes aux yeux, demander vengeance envers ceux qu’il avait juré de protéger. Ses vœux étant accomplis et son pays conquis, occupé, foulé et ruiné par l’étranger, il reprit assez de courage pour consentir à y retourner.