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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/60

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

On le fit accompagner par des commissaires de toutes les puissances, en partie pour le soutenir contre ses propres terreurs, en partie pour donner à sa cause triomphante l’appui moral de la sanction européenne et plus encore pour modérer la cruauté des réactions que la peur dont il était encore dominé aurait pu lui inspirer. Naples se rappelait en frémissant son premier retour de Sicile, et le monde n’en avait pas perdu la mémoire.

Le prince héréditaire vint à sa rencontre jusqu’à Rome. Les commissaires assistèrent à l’entrevue de ces deux royaux personnages, et c’était la rougeur sur le front que Pozzo, pleurant d’un œil et riant de l’autre, racontait la discussion qui s’éleva entre eux sur l’excès des craintes qu’ils avaient mutuellement ressenties.

En Italie, les choses s’appellent par leur nom ; on ne cherche pas de circonlocution. Et c’était de leur maladetta paüra que le père et le fils s’entretenaient librement :

« E che paüra ti ! è io che ho avuto paüra.

Oh ! cara maestà no, non era niente, è dopo la sua partenza ch’è venuta la vera paüra. »

Et puis ils racontaient tous les degrés et tous les effets de cette terrible paüra avec une candeur qui pourtant ne touchait guère leurs auditeurs.

Pozzo me disait : « En sortant de cette entrevue, mes collègues et moi nous avons été vingt-quatre heures sans oser seulement nous regarder. »

Le prince de Metternich fait, au même sujet, un récit où il convient de joindre la pantomine lazaronesque au jargon du vieux Roi pour qu’il ait tout son mérite.

Ferdinand lui parlait sans cesse à Laybach di questa maladetta paüra. L’impassibilité du ministre persuadant au Roi qu’il n’appréciait pas toute l’importance de ce mobile, il lui demanda un jour s’il savait bien ce que