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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

prendre un parti sur la manière dont il lui convenait d’agir, il sentit le besoin de quelques jours de calme et partit pour se rendre chez sa femme à Courteilles. Il y avait récemment fait un séjour assez long dont il s’était bien trouvé.

La passion de la reine de Suède ne s’était pas calmée ; elle le suivit, selon son usage, et s’établit dans la petite auberge servant de tourne-bride au château d’où elle pouvait surveiller toutes ses actions. Cet espionnage, encore plus insupportable à monsieur de Richelieu dans l’état d’exaspération où il était arrivé, le décida à revenir.

Il avait, la veille, traversé à cheval un gué assez profond, et avait négligé de changer ses vêtements mouillés. On attribua à cette circonstance un mouvement fébrile et le mauvais visage qu’il avait en montant en voiture. Il refusa de voir le médecin de madame de Richelieu, mais promit de faire appeler le sien, s’il n’était pas mieux le lendemain.

À peine en route, la fièvre augmenta. Un aide de camp polonais, qui l’accompagnait toujours, en devint inquiet. À Dreux, la reine de Suède, qui le suivait à la piste et qui, aux relais, faisait placer sa voiture de manière à se procurer le bonheur de l’apercevoir un instant, fut tellement frappée de son changement qu’elle fit appeler l’aide de camp et lui dit : « Monsieur, il faut prendre sur vous de faire saigner le duc de Richelieu sur-le-champ. »

Elle lui répéta cette injonction à Pontchartrain et à Versailles, en lui donnant pour preuve de l’état dangereux d’affaiblissement où était le duc qu’il négligeait de baisser le store de sa voiture du côté où elle se trouvait placée. Malheureusement, l’aide de camp n’osa rien décider. L’accès tomba entre Versailles et Paris, et, en arrivant, monsieur de Richelieu n’était pas très souffrant.

Sa sœur, madame de Montcalm, était établie chez lui.