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MATHIEU DE MONTMORENCY

Madame la duchesse d’Angoulême le traita avec une grande distinction. Monsieur de Damas son chevalier d’honneur, étant mort en 1814, Mathieu le remplaça. Il eut beaucoup de crédit sur la princesse aussi bien que sur Monsieur.

Cette faveur de Cour commença à rapprocher madame Mathieu de son mari ; elle ne lui refusa plus à dîner et quelquefois lui prêta ses chevaux.

Le duc Adrien de Laval, le seul des quatre frères de la branche aînée qui eût eu des enfants, perdit un fils unique de dix-neuf ans, et la branche de Montmorency Laval se trouva sans héritier. L’âge de la duchesse de Laval ne laissait pas l’espoir de le remplacer ; le conseil de famille eut recours au ménage Mathieu.

J’ai vu la correspondance conjugale qui s’établit à ce sujet, et je suis forcée de convenir que les lettres de Mathieu sont si tendres d’affections, si gracieuses de galanterie, si chastes d’expressions, que, persuadées qu’elles ne m’inspireraient que du dégoût ou de la moquerie, je les ai lues avec un véritable intérêt. Elles persuadèrent madame Mathieu. Les époux expédièrent un courrier à Rome pour être relevés des vœux qui les séparaient, et son retour fut attendu avec une impatience un peu exagérée.

Au moment même, madame Mathieu fut prise d’une passion immodérée pour son mari. Elle n’existait pas hors de sa présence ; c’était un véritable roman, et la figure de cette héroïne de quarante-cinq ans, laide, mal tournée et surtout vulgaire à l’excès achevait le ridicule de cette bouffonne lune de miel que Mathieu supportait avec sa résignation accoutumée.

On a dit que les empressements de madame Mathieu avaient abrégé la vie de son mari. Quoi qu’il en soit, elle a été pendant quelques mois parfaitement heureuse de