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chap. 3e
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DE LA BETTERAVE.


qu’il ne faut jamais laisser les mauvaises herbes se développer ni la terre se durcir ; ces opérations sont d’ailleurs peu dispendieuses, et permettent de saisir le moment favorable, la houe à cheval étant assez expéditive pour pouvoir biner de 1 1/2 à 2 hectares par jour, lorsque les lignes sont à 27 pouces, et, le sarcloir-Hugues (Tome 1, p. 225), abrégeant aussi beaucoup la besogne. — On cesse les binages lorsque les feuilles des betteraves s’étendent assez pour gêner dans le fonctionnement de l’instrument et pour arrêter la croissance des mauvaises herbes. — On ne saurait trop répéter que la belle venue des racines, qui est assurée par de nombreux remuemens de la terre, démontre qu’il n’y a pas de plus fausse économie que celle qui porte sur les travaux d’entretien et de propreté qui viennent de nous occuper.

§ IV.— Récolte, conservation, maladies, produits de la betterave.

Lorsqu’on cultive les betteraves pour la fabrication du sucre, encore plus que lorsque c’est pour la nourriture des bestiaux, il est très-important de bien saisir l’époque convenable pour en opérer l’arrachage. MM. Baudrimont et Grar pensent que les betteraves gagnent constamment en terre, jusque dans la saison la plus avancée, aussi bien en grosseur que le jus en densité. Il y aurait donc intérêt à retarder l’arrachage le plus possible, si la crainte des gelées, la quantité qu’on a de betteraves, la nécessité de faire les semailles d’hiver lorsqu’elles succèdent à ces racines, et encore d’autres considérations, n’obligeaient généralement à faire cette opération du 15 septembre à la fin d’octobre, et, dans les grands établissemens, depuis le 1er  septembre jusqu’en décembre. Au reste, en arrachant trop tôt les betteraves, il y a l’inconvénient grave, outre qu’elles ne peuvent plus gagner en grosseur et en qualité, et qu’elles se conservent moins bien, que les racines se flétrissent, se rident, s’amollissent, et que l’extraction du sucre est plus difficile.

L’arrachage des betteraves est exécuté par des hommes et souvent par des femmes à l’aide du louchet ou du trident pour celles qui ne sortent point de terre et dans les terres fortes ; il suffit souvent dans les terres légères, et presque toujours pour les racines qui croissent hors de terre, de les tirer par le bas des feuilles. M. de Dombasle emploie pour cette opération une charrue qui a été représentée et décrite (fig. 418, p. 303 du T. 1), et qui rendra de grands services dans les cultures étendues de ces racines, lorsqu’elles sont disposées en lignes. Nous renverrons aux généralités de ce 1er  volume, pour les autres détails de cette opération, et nous nous bornerons à dire qu’on doit autant que possible exécuter l’arrachage par un temps sec, afin que la terre qui adhère aux racines s’en détache facilement.

Le décolletage suit immédiatement l’arrachage ; il consiste à couper le collet de la racine, soit d’un seul coup du louchet frappé avec netteté, et après avoir couché les racines sur la terre, soit en prenant la betterave à la main et par des coupures successives avec un couteau ou une serpe. Dans cette opération on enlève aussi l’extrémité des racines et l’excès de terre adhérente : il faut veiller à ce que les ouvriers ne les frappent pas pour cela l’une contre l’autre, cornu e on le fait habituellement, et en général ne les heurtent pas rudement, parce qu’il en résulte des contusions qui déterminent la pourriture des racines dans les tas.

Les betteraves arrachées et décolletées sont mises sur le champ en petits monts qui permettent aux voilures de chargement de le parcourir sans écraser de racines ; on les charge alors pour les conduire aux lieux de conservation ou directement à la fabrique. — Lorsqu’on laisse sur le sol les feuilles et les collets, ces matières peuvent équivaloir à un quart de fumure, pourvu qu’on les enterre immédiatement.

L’arrachement des betteraves, ainsi que leur transport en lieu abrité, doivent toujours précéder les gelées ; si l’on était surpris à contre-saison par le froid, il vaudrait mieux différer l’arrachage, attendu que les racines se conservent mieux en terre que dehors ; mais si elles étaient déjà arrachées et que l’on ne pût pas en opérer le transport, il faudrait les réunir en tas et les couvrir de leurs feuilles ou bien de paille, etc.

Pour la conservation des betteraves, l’opinion générale prescrivait encore naguère de les arracher à la fin de septembre ou au commencement d’octobre, lorsque le jaunissement des feuilles indiquait la maturité des racines, de les laisser parfaitement ressuyer sur le sol, à l’air et au soleil, avant de les mettre en silos, et cela pendant assez longtemps ; enfin, de ne les transporter dans les fosses que par un temps sec. Les fâcheux résultats de cette méthode, devenus évidens en 1830, ouvrirent les yeux des fabricans. Voici sur quels principes MM. Baudrimont et Grar, que nous laisserons presque toujours parler, font reposer la conservation des betteraves, reconnaissant d’abord qu’il faut les arracher le plus tard possible, et beaucoup moins craindre l’humidité que la sécheresse et la chaleur. La betterave, étant une plante bisannuelle, doit continuer de végéter dans les fosses, et l’on ne doit point s’inquiéter des jeunes feuilles qu’elle produit quelquefois, quoiqu’il y passe une petite partie de sucre, parce que si elle ne poussait pas du tout, ce serait un signe évident de la mort du végétal, et il s’ensuivrait promptement une altération dans les principes immédiats ou une espèce de fermentation d’abord acide, puis glaireuse dans laquelle le jus devient visqueux, puis enfin putride, d’où il résulterait avec plus ou moins de célérité, selon les causes agissantes, la décomposition et la pourriture. Lorsque la betterave vient d’un champ fortement fumé ; lorsqu’elle a été arrachée trop tôt, c’est-à-dire avant la suspension naturelle de la végétation ; quand on la rentre ou qu’on la laisse sur le champ par un temps chaud, ce qui la fait rider, la rend molle et flasque, on la prédispose à l’altération que nous venons de signaler. Il résulte de ces principes que, dans les précautions à prendre pour la conservation des betteraves,