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Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/115

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éloquents comme un homme qui ne serait point éloquent. Ce qui ne touche point du tout au mérite philosophique et moral de Nicole, qu’on ne saurait trop estimer. Arnaud, le souverain pontife de l’association, fut un écrivain plus que médiocre ; ceux qui ne voudront pas affronter l’ennui d’en juger par eux-mêmes, peuvent en croire sur sa parole l’auteur du Discours sur la vie et les ouvrages de Pascal[1]. « Le style d’Arnaud, dit-il, négligé et dogmatique, nuisait quelquefois à la solidité de ses écrits… Son apologie était écrite d’un style pesant, monotone, et peu propre à mettre le public dans ses intérêts[2]. » Ce style est en général celui de Port-Royal ; il n’y a rien de si froid, de si vulgaire, de si sec, que tout ce qui est sorti de là. Deux choses leur manquent éminemment, l’éloquence et l’onction ; ces dons merveilleux sont et doivent être étrangers aux sectes. Lisez leurs livres ascétiques, vous les trouverez tous morts et glacés. La puissance convertissante ne s’y trouve jamais : comment la force qui nous attire vers un astre pourrait-elle se trouver hors de cet astre ? C’est une contradiction dans les termes.

Je te vomirai, dit l’Écriture, en parlant à la tiédeur ; j’en dirais autant en parlant à la médiocrité. Je ne sais comment le mauvais choque moins que le médiocre continu. Ouvrez un livre de Port-Royal, vous direz sur-le-champ, en lisant la première page : Il n’est ni assez bon ni assez mauvais pour venir d’ailleurs. Il est aussi impossible d’y trouver une absurdité ou un solécisme qu’un aperçu profond ou un mouvement d’éloquence ; c’est le poli, la dureté et le froid de la glace. Est-il donc si difficile de faire un livre de Port-Royal ? Prenez vos sujets dans quelque ordre de connaissances que tout orgueil puisse se flatter de comprendre ; traduisez les anciens, ou pil-

  1. À la tête des Pensées de Pascal. Paris, Renouard, 2 vol, in-8o, 1803.
  2. Ibid., page lxxxi. L’auteur n’en dira pas moins à la page 65 : C’est à l’école de Port-Royal que Racine puisa les principes de ce style harmonieux qui le caractérise. Je comprends bien comment on enseigne la grammaire, mais je serais curieux de savoir comment on enseigne le style, surtout en principes.