Page:Maman J. Girardin.pdf/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quand vous serez guéri, lui dit Louise en le regardant avec une tendre pitié, nous vous apprendrons toutes sortes de jeux. »

Les yeux du marmot brillèrent, et il demanda avec un intérêt profond:

« Sautez-vous à la corde ?

— Maman nous le permet quand il ne fait pas trop chaud.

— J’aimerais beaucoup sauter à la corde. Je cours très vite à quatre pattes, et vous ? »

Tous les assistants se mirent à rire, excepté miss Pratt, qui dit d’un ton presque sévère:

« Les animaux courent à quatre pattes et non pas les personnes. Ce n’est pas là un jeu qui convienne à un enfant bien élevé. »

Emporté par l’enthousiasme, le marmot continua:

« Je sais ruer, comme un cheval, en faisant voler beaucoup de poussière ! »

Après avoir promené autour de lui des regards de triomphe, le marmot reprit: « Je sais crier: hue ! et dia ! comme les charretiers. L’homme qui apporte le bois à la maison, jure à faire tout trembler quand ses chevaux s’arrêtent à la montée, mais miss Pratt dit que c’est un péché de jurer. C’est dommage ! si vous entendiez comme l’homme fait trembler les vitres !

— Choquant ! s’écria miss Pratt.

—Aussi je ne jure pas ! reprit le marmot d’un air grave ; mais l’homme m’a prêté son fouet. Il est lourd son fouet, mais, malgré cela, je sais m’en servir.

— Non-sens ! » murmura miss Pratt en haussant les épaules.

La simplicité sied bien aux héros. La simplicité des goûts de leur héros augmenta l’admiration que Georges et Louise avaient conçue pour lui.

Ce n’était qu’un marmot, le fait n’était pas niable: mais il prenait dans leur esprit les proportions d’un marmot sacré.

« Et puis, reprit Louise, empressée de faire montre des attraits de la maison, vous entendrez les belles histoires de Lucien de Servan ! »

Cette fois, le marmot fit preuve d’une coupable indifférence. Pour lui, le genre humain se divisait en deux catégories: d’un côté, il y avait les gens qui sautent, qui courent et qui font des culbutes ; de l’autre, ceux qui ne sautent ni ne courent, et font de la morale.