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Page:Maman J. Girardin.pdf/53

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— Et, si ce n’était pas abuser de votre bonté, vous tâcheriez de choisir les jours où je conduis.

— Je les choisirai certainement. Je n’ai rien à dire contre le Breton, sinon que je ne le connais pas, tandis que vous, vous êtes un ami, un vrai ami. »

Le philosophe tourna brusquement sur lui-même, ne voulant pas laisser voir son émotion, et s’en alla dans la direction du bureau en murmurant d’une voix un peu rauque: « Eh bien, à demain matin. » « Hé Pichon ! lui dit le buraliste, qu’est-ce qui vous est donc arrivé ? Vous avez les yeux rouges, le nez gonflé et la figure toute renversée.

— Rhume de cerveau ! répondit Pichon avec une rare effronterie.

— Il faut soigner cela.

— On le soignera, ne vous tourmentez pas. Sans vous commander, faites-moi donc voir la feuille de route de demain. » L’autre lui tendit la feuille du bout des doigts et se renversa sur le dossier de sa chaise en baillant.

Pichon, ayant constaté que le coupé avait été retenu par la famille Gilbert, remit la feuille sur le bureau et s’en alla d’un air indifférent du côté de la diligence.

Il ouvrit en sifflant la portière du coupé et s’y engagea à mi-corps. Il commença par donner des petits coups de poing tout le long de la banquette et constata avec une évidente satisfaction qu’elle n’était pas trop dure. Pour être plus sûr de son fait, il s’assit dessus, à toutes les places, successivement. Il essaya les appuie-bras et les trouva solides ; mais par exemple la double-courroie destinée à recevoir les chapeaux était trop lâche, et l’une des deux poches de tapisserie où les voyageurs aiment à déposer les menus objets qui les embarrassent, était décousue et pendait misérablement.

Au sortir du coupé, Pichon fit le tour de la diligence, tantôt reculant de quelques pas pour en embrasser l’aspect général, tantôt se rapprochant pour examiner minutieusement les écrous des roues.

Ensuite il s’en alla trouver le garçon d’écurie. « Thomas, dit-il,