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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/114

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sentier.

(3) Cette circonstance fut remarquée par les Perses, qui, profitant de la double ivresse du vin et du sommeil où ces hommes étaient plongés, passèrent inaperçus, au nombre de vingt mille environ, sous la conduite de Tamsapor et de Nohodarès, et vinrent s’embusquer derrière les hauteurs voisines d’Amida.

(4) Le jour avait à peine lui que déjà nous étions en marche, ainsi que je l’ai dit, vers Samosate ; quand tout à coup, d’un point élevé, on découvrit un reflet d’armes considérable. Aux cris répétés "Voilà l’ennemi", le signal ordinaire du combat se fait entendre. On fait halte, et les rangs se serrent. Nous voyions déjà la retraite peu sûre ; l’ennemi, si proche, n’eût pas manqué de nous poursuivre. Attaquer, c’était courir à une mort certaine, ayant devant nous une force aussi supérieure, surtout en cavalerie.

(5) On se demandait encore que faire quand l’engagement était devenu inévitable. Déjà même quelques-uns des nôtres, s’étant trop avancés, avaient mordu la poussière. Au moment où les deux partis se joignaient, Ursicin reconnut Antonin, qui paradait en tête des escadrons ennemis. Il l’accable de reproches, et le traite de déserteur et d’infâme. Celui-ci, ôtant la tiare, insigne de sa dignité, mit pied à terre ; puis s’inclinant jusqu’au sol, les deux mains réunies derrière le dos (ce qui est la forme de salut la plus humble en Assyrie ), il donna à Ursicin les noms de maître et de seigneur :

(6) "Pardonnez-moi, illustre comte, lui dit-il, une démarche que je reconnais coupable, et où la nécessité seule a pu me pousser. Ce qui m’a perdu, c’est l’inique acharnement de créanciers impitoyables. Vous-même ne l’ignorez pas, puisque votre haute intervention s’est trouvée impuissante contre leur avidité." Il fit retraite après ces mots, mais sans se retourner, et, en signe de respect, continuant de faire face à son interlocuteur jusqu’à ce qu’il l’eût perdu de vue.

(7) Tout cela s’était passé dans le cours d’une demi-heure. Tout à coup notre dernier rang, qui bordait la crête de la colline, s’écria qu’une nuée de cataphractes accourait, à toute bride, nous prendre à dos.

(8) Alors, comme c’est l’ordinaire dans les cas désespérés, de toutes parts pressés par des masses innombrables, nous ne sûmes ni à qui faire face ni qui éviter, et la dispersion commença dans tous les sens. Mais l’ennemi nous enfermait déjà dans un cercle, et nos efforts même pour fuir nous jetaient au milieu de ses rangs.

(9) Alors on ne songea plus qu’à vendre chèrement sa vie. Mais, tout en combattant avec vigueur, nous nous vîmes acculer jusqu’aux rives escarpées du Tigre. Un certain nombre de nos gens fut poussé dans le fleuve, où quelques-uns, en joignant leurs bras entrelacés, parvinrent à ne pas s’écarter des endroits guéables ; d’autres perdirent pied et furent engloutis. Ceux-ci combattant jusqu’au bout avec des chances diverses, ceux-là perdant l’espoir de résister, cherchèrent à gagner les gorges les plus voisines du mont Taurus.

(10) De ce nombre fut notre général lui-même : je le vis un moment enveloppé avec le tribun Aiadalthe et un seul valet. La vitesse de son cheval lui sauva la vie.

(11) Séparé de mes camarades, je regardais autour de moi ce qui me restait à faire, quand j’aperçus Verennien, mon collègue dans les protecteurs, qui avait la cuisse traversée d’une flèche. J’essayais,