Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/129

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quand l’état de la mer et la persistance des vents opposés, qui les avait contraints de relâcher dans les ports voisins, rendaient la tentative des plus périlleuses.

(2) Déjà plusieurs émeutes avaient éclaté, quand la sédition prit un jour, par l’imminence du fléau, un caractère de férocité plus qu’ordinaire. Au milieu de cette agitation furibonde, le préfet se crut perdu ; mais, connaissant la puissance de l’imprévu sur la multitude, il eut la présence d’esprit de lui présenter ses deux petits enfants :

(3) "Voici, leur dit-il les larmes aux yeux, voici vos concitoyens, dévoués aux mêmes calamités que vous, si, ce qu’à Dieu ne plaise, le sort continue à nous être contraire. Pensez-vous que leur mort puisse détourner le fléau ? je vous les livre ; prenez- les." Cette scène touchante eut son effet sur le peuple, qui, de sa nature, s’attendrit volontiers. Il rentra dans l’ordre, et ne se montra plus que tranquille et résigné.

(4) Peu de jours après, la divine Providence se manifesta pour cette Rome, dont elle protégea le berceau et garantit l’éternelle durée. Pendant que Tertulle sacrifiait à Ostie dans le temple de Castor et Pollux, la mer se calma ; et, par un doux vent du sud, la flotte entrant à pleines voiles dans le port, ramena l’abondance dans les greniers de la ville.

Chapitre XI

(1) Malgré tous ses sujets d’inquiétude, Constance hivernait tranquillement à Sirmium, quand son repos fut troublé par une nouvelle des plus alarmantes. Ces Sarmates Limigantes, usurpateurs, ainsi que nous l’avons dit, du domaine héréditaire de leurs maîtres, et que la politique romaine avait, une année auparavant, relégués au loin pour les mettre hors d’état de nuire, venaient de donner une preuve nouvelle de leur inquiète disposition. Ils s’étaient éloignés peu à peu des régions qu’on leur avait assignées pour demeure, et déjà se montraient sur nos frontières, se livrant à leurs habitudes de rapine avec un redoublement d’audace qu’il était urgent de réprimer.

(2) L’empereur comprit que tout retardement ne ferait qu’accroître leur insolence. Il réunit à la hâte ce qu’il avait de meilleures troupes, et se mit en campagne aux premiers jours du printemps. Il avait deux grands motifs de confiance d’un côté, la cupidité du soldat, exaltée par les riches dépouilles remportées de la guerre précédente, lui était garante de nouveaux efforts dans celle qui allait s’ouvrir ; et l’armée, de l’autre, se trouvait, grâce aux soins d’Anatolius, préfet d’Illyrie, pourvue à l’avance de toutes choses, sans recourir à aucun moyen vexatoire.

(3) Il est constant, en effet, que nulle autre administration, avant la sienne, n’avait répandu autant de bienfaits sur nos provinces du nord. Corrigeant les abus d’une main ferme à la fois et prudente, Anatolius avait pris, avec un courage qui l’honore, l’initiative d’une réduction des impôts. Il allégea la charge énorme des transports publics, qui rendit tant de maisons désertes, ainsi que les contributions sur les personnes et les biens : c’était assoupir bien des germes d’irritation et de plaintes. Enfin tout ce pays aujourd’hui serait heureux et paisible, si plus tard, et sous les noms les plus abhorrés, le régime d’exaction n’était venu à reparaître, aggravé comme à l’envi par les agents de la perception, et par les contribuables, répartiteurs eux-mêmes : ceux-ci cherchant, par l’exagération de leurs offres, à se faire bien venir près des puissances ; ceux-là ne voyant que dans la ruine